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Introduction

La révolution des technologies de l’information et de la communication amorcée à la fin du XXe siècle modifie profondément notre vision du monde et de l’être humain : elle crée de nouveaux espaces transformant à la fois les usages techniques, les modèles économiques et les rapports socio-culturels humains.

Internet est un réseau mondial de communication affranchi des contraintes spatio-temporelles du monde tangible. C’est aujourd’hui une grande partie du patrimoine culturel humain qui y est numérisé. Séparé de sa forme originelle (livre, disque, dvd), il s’éparpille sur le web, bribes de texte, de sons et d’images voguant au gré des courants électriques. Je place ma recherche du point de vue de l’auditeur, en observant le fait que les nouvelles technologies modifient les comportements d’accès et de partage des expériences culturelles.

La musique enregistrée est l’un des premiers biens culturels touché par une “dématérialisation” massive. Étant par définition évanescente, la matière sonore se prête facilement à la numérisation. De ce fait, elle me semble être une excellente entrée au cœur de la question du besoin de formes tangibles (ou non) du contenu numérisé. À une époque ou cet art est totalement intégré à notre quotidien...

Comment s’opèrent, sur le plan technique, les changements d’état de la matière sonore générés par la transition numérique?
Et quels en sont les effets économiques et socio-culturels ?

Nous aborderons cette question sous différents angles, avant de proposer une forme de synthèse thématisée des recherches engagées.

  • HISTOIRE DES ARTS, SCIENCES ET TECHNIQUES - L’enregistrement : écriture du son Où comment l’invention de l’enregistrement, en permettant une écoute différée, transforme les situations spatio-temporelles d’écoute, créant un besoin d’image associée à la musique, pour la recontextualiser et créer du désir.
  • FICHE DE LECTURE - Jeremy Rifkin – L’âge de l’accès Comment a-t-on transité d’une économie de propriété de biens à une économie d’accès aux réseaux ? Comment cette nouvelle économie modifie-elle nos comportements d’accès aux expériences culturelles ?
  • ENTRETIENS -
    Un disquaire, un bibliothécaire, un journaliste, et un audio-activiste Entretiens sous forme de discussions libres avec des professionnels passionnés sur le thème de la musique, du support au numérique.
  • SYNTHÈSE -
ANNEXES

  • RAPPORT DE STAGE – FabLabs L’économie des communs, ou comment la nouvelle culture du cyberespace peut transformer le monde tangible.
  • DISPOSITIF TECHNIQUE -
    Le projet Boxson Genèse du projet et zoom sur la technologie RFID (Radio Frequency IDentification)
  • LEXIQUE

Histoire des Arts, Sciences et Techniques

Écritures du son

C’est une double étude qui est ici présentée. En premier lieu, nous étudierons comment la démocratisation des supports d’enregistrement a favorisé l’élargissement des possibilités d’écoute en termes d’espace-temps et de choix, modifiant le rapport de l’Homme à la musique. L’éclaircissement de cette première révolution musicale permet la compréhension approfondie de la numérisation.
Dans la seconde partie, nous soutiendrons le fait que ces bouleversements spatio-temporels, couplés à l’essor de l’industrie musicale créent un besoin d’image associée à la musique, pour la recontextualiser et créer du désir.

Retrouvez ici la frise chronologique annexe au texte.

DE NOUVEAUX ESPACE-TEMPS

La musique est omniprésente au sein de toutes les civilisations. Elle est fortement dépendante de la technique, qui permet de poser les formes de sa création et de son écoute. Elle est présente depuis les origines de l’Homme, d’abord sous sa forme chantée et frappée, puis par le biais d’instruments façonnés de sa main. La musique est d’abord une tradition purement orale, un événement ponctuel qui s’inscrit dans un territoire, à travers la présence du corps (Présence souvent incarnée à travers la danse, allant parfois jusqu’à la transe comme chez les derviches tourneurs ou les Gnawas.) Dans quelques sociétés “traditionnelles”, elle est d’une importance primordiale et continue d’exprimer les moeurs et de rythmer la vie en communauté lors de célébrations, cérémonies et rituels qui se déroulent à des moments précis (initiations à l’âge adulte, fête des récoltes, etc.). Le concert émerge au XVIIIe siècle, sous sa forme « payante et anonyme ». la musique ne se joue plus à l’occasion d’un événement, elle devient un événement à part entière.

Temps - C’est de cette pratique d’écoute “vivante” que diffère la musique enregistrée en rendant possible une écoute “différée” captant un ensemble de sons, événement évanescent, pour le fixer sur un support (Dans le cas du phonographe, c’est un cylindre de cire, qui sera plus tard remplacé par un disque à sillon plat. (voir frise)). La musique est séparée de sa temporalité originale, elle devient alienable et reproductible à l’infini.
L’enregistrement fut avant tout inventé pour un usage bureaucratique : reproduire la parole sans avoir à l’écrire. Comme l’invention de l’écriture pérennise le langage oral et musical par une transcription et la photographie capture un instant visuel, l’enregistrement permet de saisir une durée sonore, et de la garder en mémoire (La musique fait toujours appel à la mémoire. Dans Les Leçons sur le temps, Husserl explique qu’à un instant T, une note retient en elle la note précédente, qui retient la précédente, et ainsi de suite.) pour la rejouer à volonté. Les supports d’enregistrement peuvent être considérés comme des extensions artificielles de notre mémoire naturelle permettant de la reproduire et de la transmettre (voir hypomnéméta). On peut voir cela comme une volonté de maîtrise du cours du temps : en fixant un instant « volé » au temps pour le rendre éternel, la nature se plie à nos envies. La musique ne rythme plus nos vies, mais s’adapte à notre rythme propre.

C’est cette possibilité de choix qui est la plus grande révolution opérée par l’enregistrement dans le milieu de la musique. Une nouvele relation de proximité s’instaure alors entre l’artiste et l’auditeur, autrement intime que pendant un concert, moins ancrée dans la réalité et plus fertile pour l’imagination. La musique devient intemporelle, une trace sonore dans l’histoire, et même au-delà de la mort du corps, la présence de l’artiste demeure. Cristallisé dans un objet, l’éphémère devient éternel et prend une valeur de mémoire culturelle historique. On peut penser aux pratiques des ethnomusicologues au XIXe siècle, qui sillonnaient le monde pour collecter les pratiques musicales traditionnelles et les “graver” par l’enregistrement pour les sauver de l’oubli entraîné par leur disparition possible, effacées par la modernité.

Espaces - Avec le disque vinyle, puis avec le transistor, la musique acquiert également une nouvelle spatialité. Elle s’étend des espaces dédiés (salles de concert, opéras, cabarets…) à l’environnement quotidien, se faisant plus présente dans le cadre de la vie privée. Dans l’entre-deux-guerres, le microsillon se démocratise et les pratiques de collection se généralisent : se dessine la figure de l’amateur, qui a maintenant sa propre discothèque adaptée à son goût personnel. Grâce à ces techniques, l’enregistrement a ouvert la voie à une diffusion de la musique sans précédent, qui permet une prise de contact avec les musiques d’autres cultures et un élargissement des horizons musicaux. La musique devient mobile et circule hors des frontières tracées par l’Homme, favorisant l’éclectisme et les hybridations créatives.

La radio, puis la cassette et le CD donnent lieu aux premières formes d’écoute nomade personnelle, comme l’écoute en voiture (grâce à l’autoradio) ou dans la rue (avec le walkman). Mais c’est avec l’avènement du numérique que l’on assiste réellement à une sonorisation de la vie quotidienne. La musique enregistrée devient omniprésente jusque dans les lieux publics, des magasins aux restaurants, et prend encore plus d’importance dans la vie privée grâce aux lecteurs mp3, puis aux téléphones portables.

Choix - Couplés au streaming, ces derniers permettent d’être connecté à des bases de données gigantesques dans lesquelles on pioche librement « à la demande » en tout lieu et en tout temps (On parle alors d’ubiquité), accroissant considérablement les possibilités d’écoute, à l’instar du peer to peer dont Napster est le pionnier.
Notre époque est marquée par une simplicité et une rapidité de circulation de la musique, notamment au sein des nouveaux espaces sociaux numériques, principaux relais des pratiques culturelles où le partage est de mise. Là ou la transmission musicale se faisait d’abord oralement (chansons transmises de génération en génération) puis physiquement (en offrant/prêtant des supports physiques), il s’agit aujourd’hui d’une transmission de données par interfaces interposées et de manière ininterrompue (Le principal média de partage étant Facebook, et le contenu est majoritairement partagé depuis Youtube.) Sur internet, la musique de tout temps et tout espace est mise en commun et se retrouve confondue, entremêlée.

IMAGES DE DÉSIR

En partant du postulat que l’invention de l’enregistrement a séparé la musique de son contexte de création et de l’artiste qui la joue, je suppose que l’image a eu pour rôle de répondre au besoin de persistance d’un lien entre l’artiste, et l’auditeur, en proposant à ce dernier une interprétation graphique d’un univer musical à travers la pochette.
Pour l’objet musical, la pochette a d’abord une vocation de protection (avec les pochettes génériques dans les années 20), puis d’identification et de création d’appétence, de désir (l’artwork est introduit par Alex Steinweiss, premier directeur artistique pour Columbia records dans les années 40). En plus d’une valeur purement fonctionnelle, elle admet donc une valeur d’estime. C’est son rôle de « rendre vie » à cet objet technique qu’est le support d’enregistrement, de lui donner une aura créatrice d’émotions et de susciter l’envie du consommateur. L’image devient un outil de marketing massif destiné à attirer l’œil et à faire vendre.

L‘utilisation du « cover art » prend véritablement son essor avec l’apparition du LP dans les années 50. Sa pochette d’une trentaine de centimètres est encore aujourd’hui le format qui laisse le plus de place à l’expression, et qui permet donc la plus grande immersion (Dans l’entretien, Benjamin Minimum parle d’un «présence» de l’objet.). C’est également une période de grand essor pour la musique enregistrée, qui s’érige en véritable industrie planétaire. La communication de la musique passe de plus en plus par une médiatisation massive (télévision, radio, scène) qui prône une culture industrialisée de l’image et de la personnalité.
À cette époque, la finalité de cette communication est toujours l’achat de l’objet disque et c’est la jaquette qui est souvent le premier point de contact “direct” avec la musique. Elle a une influence considérable sur la réception d’une œuvre car elle crée de l’attente, et offre à l’auditeur une immersion multi-sensorielle. Cut-outs, stickers, inserts et paroles tendent à faire du disque un objet sophistiqué et désirable, collectionnable par tout amateur ou fan. Il pousse au développement de rituels (gestuelles, préparation d’écoute, etc.), et rend évident l’importance de tout ce qui entoure la musique elle-même comme part de l’expérience d’écoute.

La pochette répond au besoin de cohérence d’un univers symbolique, d’une unité artistique, que ce soit celle d’un album, d’un artiste ou parfois de tout un label, permettant d’écrire son identité, signature d’abord sonore mais aussi visuelle (Comme le son du label Motown par exemple, ou les pochettes de Blue Note par Reid Miles) Au-delà de la simple valeur commerciale de l’image – à laquelle on associerait les pochettes “portrait” véhicule de l’égo, encore majoritaires dans certains styles de musique et à laquelle on opposerait l’anonymat assumé d’activistes comme Underground Resistance – le cover est parfois le fruit de collaborations artistiques à long terme entre artistes et graphistes, conférant aux disques une esthétique particulière. Dans ce cas, elles sont le miroir d’une recherche artistique passionnée et constante. Aujourd’hui, ces disques représentent l’essence d’une époque, souvent recherchés pour leur style “rétro”, peut-être par nostalgie, pour retrouver la connexion émotionnelle qui lie l’Homme à une musique de son passé.

Retrouvez ici une selection commentée de pochettes emblématiques

Si le large format du LP est propice à l’expérimentation graphique, la miniaturisation et l’augmentation constante de la capacité de stockage des supports d’enregistrement (On peut se référer aux conjectures de Moore, qui théorise la miniaturisation comme parallèle à la baisse des prix dans la micro-electronique.), puis des interfaces numériques mobiles ont peu à peu minimisé l’espace dédié au “cover”, au profit d’une liberté grandissante. Celui-ci fait néanmoins toujours partie intégrante de l’univers visuel d’un artiste, comme part d’une communication « globale » dont fait également partie le clip vidéo, moyen d’expression considéré d’ailleurs comme le plus impactant.

Les pratiques de consommation de musique en ligne rompent avec l’unité de l’album proposant des fragments de son et d’image. (Pour leur album The Slip, le groupe Nine Inch Nails proposa un format numérique avec une image associée à chaque piste) Dans ce mode d’écoute, la place donnée à l’image est considérablement réduite et l’objet dédié (objet technique de mémoire exteriorisée que B. Stiegler appelle hypomnémata) disparaît. Avec lui s’amoindrit le pouvoir de stimulation du désir de possession de l’objet, auparavant augmenté par le visuel, au profit d’interfaces polyvalentes.

CONCLUSION

La révolution de l’enregistrement a permis deux changements successifs des espace-temps d’écoute. Le premier est un passage de la musique orale « vivante » à l’état d’événement à son équivalent écrit, mémoire « morte » permettant de différer l’écoute, se passant de la présence du corps du musicien.
La mémoire de cet événement est extériorisée, cristallisée dans des supports (hypomnémata) hors du temps et on peut la raviver en jouant l’enregistrement (c’est l’anamnèse). L’écoute se plie désormais au rythme de chacun.
Ces supports ont également permis de faire entrer la musique dans le cadre domestique, et a enclenché une circulation de la musique hors des frontières, augmentant les possibilités de découverte et d’écoute.

Ce changement spatio-temporel, conséquence de la naissance de l’artefact musical, allié à la transformation du milieu de la musique en industrie, crée un besoin d’image qui est un vecteur de communication : c’est donc un outil de marketing, mais également un moyen d’expression artistique et de subversion à part entière (voir annexe visuelle).

La deuxième révolution est celle de la numérisation, qui fait transiter les enregistrements de l’espace domestique au cyberespace, où ils sont mis en réseau et accessibles constamment en tout lieu, selon nos envies à bout de clic. L’offre musicale se diversifie d’autant plus, devenant presque exhaustive.
On peut dire que l’invention de l’enregistrement, à laquelle succède la transition numérique créent des écoutes toujours plus personnalisées proposant plus de choix quant aux temps et espaces d’écoute, mais également à la diversité des contenus et à l’accessibilité de la musique.

Mais ces facteurs, associés à la perte d’importance du rapport à l’objet et à l’image peuvent créer une diminution du désir pour la musique, liée au flux sonore constant qui ne nous quitte jamais vraiment et permet de satisfaire toutes nos envies instantanément. On peut tendre vers la “boulimie” musicale : nos envies sont compulsives et transitoires, rapidement oubliées pour être remplacées par de nouvelles.
Et si l’objet musical acquiert, avec le microsillon, une certaine immortalité, on peut se demander ce qu’il en est des données enregistrées sur les disques durs ou sur les serveurs, plus fragiles et sujettes à l’obsolescence des supports et des formats.

Fiche de lecture

Jeremy Rifkin - L’âge de l'accès - La révolution de la nouvelle économie. (La Découverte, Paris, 2000, 494 p.)

Cette fiche de lecture porte sur l’ouvrage de Jeremy Rifkin, l’âge de l’accès, dans lequel l’auteur explique la transition vers une économie de l’accès et l’absorption de la sphère culturelle par la sphère économique. Si la compréhension de la première partie du livre est essentielle, c’est la seconde qui sera la plus à même d’étayer ma réflexion en cours.

Jeremy Rifkin est un essayiste, économiste et activiste américain qui s’intéresse de près aux mutations socio-économiques qui dessinent le futur de la société capitaliste sous l’effet des technologies de l’information et de la communication (le développement durable, les biotechnologies, l’automatisation du travail, etc.).
Souvent contesté pour une vision considérée simpliste et utopique lorsqu’il prédit « La fin du travail », « la troisième révolution industrielle », ou encore « La société du coût marginal zéro », J. Rifkin dresse néanmoins un panorama réaliste et complet de la transition vers l’âge de l’accès à l’aube du XXIe siècle, tout en s’ancrant dans l’histoire du siècle précédent.

« L’âge de l’accès » nous permet de mieux comprendre les mécanismes et les effets de la transition du capitalisme industriel au capitalisme culturel, d’une économie de production et de propriété de biens à une économie de réseaux caractérisée par l’accès à des expériences, ainsi que la transition du territoire géographique au cyberespace.
Dans cette nouvelle économie, le capitalisme a colonisé chaque pli de l’activité humaine, jusqu’à notre temps même. Cette ultime « enclosure » modifie l’humain et son rapport au monde et à ses pairs. (En écho à la marchandisation de la terre amorcée dans l’Angleterre des Tudor au XVe siècle.)

Structure du livre

Partie I - La nouvelle frontière capitaliste

  1. Au seuil de l’âge de l’accès
  2. Des marchés aux réseaux
  3. Une économie en apesanteur
  4. Vers le monopole des idées
  5. Quand tout devient service
  6. La marchandisation des rapports humains
  7. L’accès comme style de vie

Partie II - La privatisation de la sphère culturelle

  1. La nouvelle culture du capitalisme
  2. L’exploitation du filon culturel
  3. Le théâtre de la postmodernité
  4. Les connectés et les déconnectés
  5. Pour un écologie de la culture et du capitalisme

PARTIE I - LA NOUVELLE FRONTIÈRE CAPITALISTE

La première partie porte sur « la nouvelle frontière capitaliste ». Rifkin pose les bases de sa réflexion en nous décrivant un monde où la possession de biens matériels perd en valeur face au pouvoir que confère le contrôle de l’accès aux biens matériaux et immatériaux : on entre dans l’âge de l’accès.

« L’émergence de l’économie en réseau, la dématérialisation croissante des produits, le déclin du capital fixe, l’hégémonie des actifs immatériels, la transformation des produits en services, le paradigme du passage de la production à celui du marketing et la transformation des relations et des expériences humaines en marchandises sont autant d’expressions de la restructuration de l’économie globalisée permise par les technologies de pointe. » (p.188)

Dans cette nouvelle économie “en apesanteur”, même les biens physiques sont transformés en « expériences de services » (Location de voiture, carte bancaire, streaming, etc. ) dont on fait usage à court terme, sous forme de location, d’abonnement, d’adhésion, etc. Ce n’est plus la possession des moyens de production qui est source de pouvoir, mais le contrôle des idées (Comme le montrent les entreprises « externalisées » par la sous-traitance, le leasing, etc.).
Toutes ces pratiques créent des relations prestataire- usager à long terme et donnent une capacité de contrôle élargie sur le consommateur, car si la propriété permet une forme d’autonomie, l’âge de l’accès nous tient prisonnier des liens tissés avec ces prestataires.

Ce phénomène est partiellement expliqué par l’innovation « frénétique et constante », raccourcissant le cycle de vie des produits qui deviennent obsolètes toujours plus rapidement.
L’économie des réseaux induit un changement de temporalité de l’existence. C’est la totalité du temps humain qui se retrouve marchandisé, la disponibilité devenant une ressource rare et exploitable. (On parle alors d’économie de l’attention)

PARTIE II - LA PRIVATISATION DE LA SPHÈRE CULTURELLE

Dans la seconde partie, Rifkin décrit plus en détail le passage du capitalisme industriel au capitalisme culturel.
Il expose l’absorption de la sphère culturelle par la sphère économique entraînée par la démocratisation des technologies de l’information et de la communication, transformant le dernier domaine non-marchand de l’activité humaine — la communication — en marchandise. Pour l’auteur, les moyens de communication « langage, arts plastiques, musique, danse, écriture, films, enregistrement, rites, logiciels » (p.224) sont des vecteurs de partage de significations entre les humains. Ils interprètent, reproduisent, préservent et transmettent l’expérience humaine en constituant un patrimoine culturel commun.
Aujourd’hui, « Il n’y a plus de différence entre communication, communion et commerce » (p.20) Dans cette ultime enclosure, le patrimoine culturel humain est détenu par des entreprises qui en contrôlent l’accès.

Voilà quelques notions clés de la compréhension de ce postulat :

On passe du capitalisme industriel au capitalisme culturel : L’ère industrielle transformait les ressources naturelles en biens aliénables, à l’heure de l’hypercapitalisme, c’est au tour des ressources culturelles d’être marchandisées.
Après la révolution industrielle, les marchés sont saturés, le centre de l’économie transite donc des biens matériels à la vente d’expériences vécues qui alimentent la vie psychique plutôt que matérielle.

On parle aujourd’hui d’économie de l’expérience : le patrimoine culturel est privatisé et transformé en une forme de consommation d’expérience culturelle.
Rifkin parle du tourisme de masse, des centres commerciaux ou encore du cinéma et de la télévision comme des environnements artificiels visant à assurer le divertissement en immergeant l’humain dans un monde de perceptions idéalisées, hors du temps et loin de la réalité. L’homme est plongé dans une « hyperréalité », phénomène accentué dans le cyberespace sous forme d’une « réalité virtuelle convaincante » ou le consommateur est actif, incarné dans un « corps virtuel » (p.274-275)

Ces expériences sont rendues désirables par le biais du marketing et de la publicité, empruntant à l’art sa capacité à communiquer par le signe pour donner une valeur symbolique aux produits et susciter une réponse émotionnelle.
Le marketing se place également au cœur de la vie sociale humaine, en s’associant à divers évènements culturels qui, selon leur nature, véhiculent différentes valeurs auxquelles le consommateur peut s’identifier.

Le nouveau monde que représente internet est en train de façonner un nouveau type d’être humain « protéiforme », un être connecté, spontané, créatif joueur et impulsif à la personnalité et aux modes de vie multiples, qui évolue dans un univers aux frontières fluides et imprécises. Il découle en partie de la transformation opérée avec la postmodernité, qui invalide les valeurs modernes.

L’âge moderne est fondé sur une pensée rationnelle, le monde y est soumis à des lois immuables et l’homme est en son centre, conquérant et transformant la nature dans une perspective de progrès constant.

Dans la vision postmoderne, l’homme est intégré à un monde en mouvement, il crée sa propre réalité en la communiquant par le langage. L’expérience de la vie devient subjective et multiple, et se traduit par une joyeuse anarchie créative, une vie ludique et hédoniste, ancrée dans l’instant présent, ainsi que la recherche de l’épanouissement personnel et de réalités potentielles (L’auteur parle d’une théatralisation de l’existence : l’humain adopte plusieurs masques successifs, “persona” définissant un “être” temporaire.).
L’être se définit par un ensemble de relations, sorte de « collage » en mouvement constant, imprégné du réseau d’images et d’idées qu’est la culture dans le cyberespace. C’est dans ce milieu que se développe l’essor d’une production culturelle proposant des expériences multiples à vivre.

C’est les nouveaux passeurs, médiateurs de notre vie dans le cyberespace, qui en contrôlent l’accès. Certains contrôlent les points d’accès au réseaux (Fournisseurs d’accès internet, moteurs de recherche, etc.) et déterminent de ce fait les inclus ou exclus à la nouvelle vie culturelle de la société connectée.
Pour d’autres, c’est le contrôle des contenus qui est facteur de puissance : des multinationales privées (Mégagroupes comme Warner, Viacom, CBS, etc.) possèdent le monopole du contrôle sur les contenus culturels qui constituent notre imaginaire collectif.
Le rôle croissant des réseaux dans la communication humaine amène à se questionner sur une nouvelle forme d’inégalité sociale, la « fracture numérique » : c’est une grande partie de la planète qui, faute de moyens ou de savoir-faire, est d’office exclue du cyberespace, alors que celui-ci tend de plus en plus à être le principal milieu et d’expression démocratique et d’accès aux ressources cognitives.

La révolution numérique est comparable à celle de l’imprimerie car elle permet une nouvelle organisation du savoir. L’imprimerie a permis le passage d’une culture orale à une culture écrite, cristallisée dans un produit clos et fini, le livre, favorisant l’essor de l’auteur en « privatisant » la pensée humaine. Sur internet, la culture est fragmentée et la notion d’auteur explosée en une infinité de renvois, de contributions et d’associations permises par l’hypertexte.

Rifkin clos son livre sur un postulat alarmant, décrivant le fait que la transition de nos pratiques culturelles dans un cyberespace contrôlé par la sphère économique amène à une globalisation et à une normalisation culturelle, à l’image de l’hégémonie des productions d’Hollywood dans le milieu du cinéma.

Il donne l’exemple de la World music, qui transforme les musiques traditionnelles en produits hybrides soumis aux modes et vidés des significations sociales qu’elles sont sensées véhiculer (valeurs, histoire, vie spirituelle). Il parle également de la disparition de dialectes locaux et des cultures qu’ils véhiculent, ou encore de « l’américanisation » culinaire développée par des franchises comme Mc Donald’s ou Burger King.
Le danger est une atrophie de la diversité culturelle et des cultures locales traditionnelles », conséquence d’une surexploitation par la société de consommation, qui aura un effet néfaste sur l’économie car elle est à ce jour la matière première de celle-ci. L’auteur nous amène à penser la culture comme un écosystème fragile et épuisable, à l’image des ressources naturelles. Il faudrait donc développer une écologie de la culture.

Il appelle à une régénération des cultures par une recontextualisation favorisant la communication directe dans des espace-temps concrets, une restauration de liens sociaux territoriaux plus intimes, à l’écart de la sphère économique, pour pallier a la désensibilisation et la perte d’empathie que peuvent produire des expériences distanciées par la médiation d’interfaces technologiques.

Une voie possible est de favoriser le jeu, source de toute culture, comme forme d’expérience collective en face-à-face produisant de la joie, s’inscrivant toujours entre deux mondes, dans des espaces éphémères non aliénables.

CONCLUSION

Pour conclure, je vais replacer cette lecture dans le cadre de mon mémoire, en prenant compte de la décennie et demi qui nous sépare de cet écrit.

Jeremy Rifkin nous montre que la révolution numérique, à l’instar de la révolution mécanique de l’imprimerie métamorphose notre façon d’accéder aux expériences culturelles, conduisant à une nouvelle organisation du savoir.
L’enregistrement a fait passer la musique d’une tradition orale à une tradition écrite solidifiée dans un support aliénable fini à l’auteur défini, permettant l’accroissement de la communication humaine mais également sa marchandisation en masse.
La numérisation et la mise en réseau de la musique enregistrée dans le cyberespace a ensuite entraîné un désintérêt de la notion de propriété liée au support à la faveur d’un accès facilité à un flux musical, que ce soit à travers le peer to peer ou le streaming. C’est aussi le développement d’une culture d’une musique ubiquitaire et «sur mesure», adaptée aux envies changeantes de l’être «protéïforme».

La musique en devient d’autant plus éphémère qu’elle n’a plus d’attache fixe, d’entité. Elle devient un peu plus fragmentée, un peu moins définie, constamment en mouvement. À l’image de l’hyperlien qui nous emporte au gré des clics, on emprunte de nouveaux cheminements d’écoute : on voit exploser partiellement la notion de l’album, et même parfois de l’auteur (Avec des pratiques comme la playlist, autorisant la juxtaposition de musiques de cultures et d’époques différentes, mais aussi celles du sample et du remix, qui permettent d’intégrer son travail dans celui des autres.).

Il est utile de s’alarmer du danger que court la diversité culturelle face à une globalisation de la culture qui lui ôte ses racines, à l’instar de la World music, ainsi que la concentration du pouvoir que l’on confère à ceux qui contrôlent les réseaux d’accès et de contenu, notamment dans le cas du streaming, dont Rifkin évoque les premiers balbutiements.

Il me semble néanmoins bon de préciser que, si la marchandisation de la culture peut nuire aux cultures traditionnelles en les déterritorialisant, la numérisation du patrimoine culturel musical humain et son partage massif et libre par le biais du peer to peer a permis aux auditeurs et aux musiciens de découvrir et de s’inspirer de mondes sonores encore inconnus, rendant la création musicale incroyablement fertile et ouverte.
On pourrait de ce fait voir les pratiques de partage de pair à pair « illégales » comme une forme de reprise de pouvoir sur un patrimoine culturel exproprié par l’âge de l’accès payant.

Jeremy Rifkin me semble également avoir vu juste lorsqu’il préconise un retour à des relations et des échanges plus authentiques, ancrés au sein d’un territoire en réponse à une marchandisation de la communication humaine.
Si aujourd’hui une majeure partie de notre vie sociale, culturelle et privée appartient aux géants des réseaux, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), on ressent également un mouvement contraire fait d’initiatives locales animées par un besoin de «retour aux sources» de l’esprit de communauté.
Des jardins collectifs aux FabLabs en passant par les espaces de coworking, les nouveaux tiers-lieux sont des moyens alternatifs de créer de la valeur ensemble, basés sur la notion de collaboration ou sur le modèle associatif. (Voir l’annexe Stage pour approfondir)

Ces lieux ouverts à tous sont inspirés du mouvement open source amorcé sur internet avec le logiciel libre (Initié dans la première moitié des années 1980 par Richard Stallman, notamment avec le projet GNU.)
Ils sont donc témoins d’une nouvelle culture de la liberté à l’oeuvre dans le cyberespace qui amenant à créer de nouvelles pratiques dans le monde tangible.

Entretiens

Un disquaire, un bibliothécaire, un journaliste et un audio-activiste

Dans le cadre de mes recherches, j’ai rencontré plusieurs acteurs du milieu de la musique, œuvrant dans différents domaines. Mon intention était de confronter plusieurs points de vue au sujet de la musique, du support physique au numérique. Je propose ici des extraits de nos discussions, l’intégralité de celles-ci peuvent être écoutées en ligne.

1- Teddy Gilles, alias Papa Stomp, patron de Galette Records à Marseille et gérant du label Jazzup Records. (le 29/01)

« C’est un peu antinomique pour un disquaire, mais je suis absolument pas collectionneur (…) C’est juste c’est relié à l’émotion que ça génère chez moi. Chez moi ça marche bien la musique..Il y a des trucs qui fonctionnent et d’autres qui fonctionnent pas, comme le graphisme, y’a des trucs qui attirent ton regard et qui t’interpellent ou pas »

« Pendant très longtemps sur les pochettes de disques y’avait un vrai effort qui était fait, déjà dans les années 50 après dans les années 60, particulièrement sur les disques de jazz (voir les pochettes de Blue Note dans la partie HAST) (…) Après il y a un savoir-faire qui s’est perdu, les imprimeurs qui utilisaient toutes sortes de papiers, qui faisaient des découpages, des pochettes qui s’ouvrent et qui se déplient. (...) Mais il y a quand même le fait qu’aujourd’hui le disque vinyle devienne un objet promotionnel. Les artistes récents qui pressent sur disque vinyle aujourd’hui, ils ont pas pour vocation de gagner de l’argent mais c’est un vecteur de communication qui est hyper important pour eux, du coup on retrouve un effort sur les pochettes. (…)
Il y a une sorte de renouveau aujourd’hui, du simple fait que les imprimeurs aussi ont réinvesti dans leurs outils de production, ils proposent une diversité, plutôt que juste imprimer sur une pochette, et basta. Mais là il commence a y avoir du relief, des découpages, des montages, une pochette découpée avec un intérieur qui te permet de changer complètement l’aspect graphique de l’objet. »

« Un artiste que je connais pas, la pochette si elle a quelque chose, organisation dans l’espace, profondeur, volume, en général ça attire beaucoup plus notre attention qu’un objet très simple sans efforts particulier. On est extrêmement sensible à l’effort fourni dans l’objet. Il y a beaucoup de gens dans ce cas là. Des gens qui se laissent emporter par un objet parce qu’il se passe quelque-chose en eux. »

« Le seul bien que je vois dans internet c’est en terme de base de données, quand Il y a un artiste que tu connais pas ou qu’on te demande une référence que tu n’as pas, ça permet de se renseigner, d’écouter. C’est comme les gens qui font des livres qu’en numérique, même si c’est super bien, ça restera pas, faut qu’il y ait un support physique. (…)
Je le relie à tout un tas de choses, c’est-à-dire que globalement, les gens ont besoin d’un retour aux choses vraies. Une carotte, il faut qu’elle aie un goût de carotte, ton disque il faut que tu puisses le tenir dans tes mains, le lire mais sans une loupe. Tout ça contribue au fait qu’il y ait un retour à quelque chose de matériel, de réel. L’irréel, le virtuel, internet, le numérique, tout ça.. Si il y a plus d’électricité, tu l’as dans le baba. Alors qu’un disque vinyle, avec un bout de papier, une épingle posée dessus tu peux l’écouter. »

« Après c’est sûr que tu attaches plus d’importance si t’a trouvé un truc en te baladant, et qu’en brassant des pneus, en poussant des bouteilles, en tombant sur une caisse de disques au milieu de ça t’en trouves un qui est « AHOUU ! tu fais AAAH AAAH ! », c’est sûr, tu t’y attaches plus. »

2 - Un bibliothécaire spécialisé dans les musiques classiques et contemporaines à l’Alcazar, Belsunce, Marseille. (le 04/02)

« Aujourd’hui [les jeunes, ndlr] sont des consommateurs de musique… Et en plus là ils vont plutôt à LIDL… (rires (…)Ici on voit vraiment les différents types de comportements par tranches d’âge, et de manière sociale, et ça s’accuse de plus en plus. Après il y a des lecteurs qui prennent le temps parce qu’ils sont intéressés par un genre particulier et qu’ils savent qu’on a des choses qui n’existent pas en téléchargement. »

« La partie conseil est importante et c’est pourquoi les gens vont encore en librairie, en dehors du top des ventes ils vont trouver aussi du conseil, et ils sont toujours un peu en manque de ça. »

« Il faut qu’on aide aussi les gens qui sont édités mais qui ne sont pas suivis, parce qu’ils sont trop petits, combien d’artistes n’ont pas rencontré le bon label au bon moment et tardent à se faire connaître, du coup il y a ce système de mettre en avant certains artistes pour les faire entendre autour de soi. » « Il existe ce qu’on appelle des bornes de musique libre : dogmazik, automazik, un système ou les lecteurs viennent avec leur propre musique et les mettent sur la borne à disposition de qui veut, libre de droits, et on peut la télécharger et la ramener chez soi. »

« La force de frappe qu’avaient les disques dans les années 70 c’est que c’était vraiment un objet complet (…) la jaquette de Sgt Peppers par exemple c’est tout un projet, c’est pas juste de la musique enregistrée. »

« En France la musique dans les bibliothèques c’est venu très tard, avec quasiment cent ans d’écart. Dans d’autres pays, ils ont commencé par la partition, donc par la musique elle même : on emprunte une partition et on la travaille, comme on emprunte un livre et on le lit. »

« Ce côté sacro-saint du livre fait que la question se pose pas, mais y’a déjà eu des élus qui disent : pourquoi créer un espace « image et son » alors que les gens téléchargent ? (…) Mais il faut expliquer que les gens n’ont pas forcément tous les moyens d’aller acheter des disques tous les mois. Et c’est toute une partie de la culture qui a autant de légitimité que l’écrit sous toutes ses formes. »

3 - Benjamin Minimum, ex rédacteur en chef de Mondomix, pionnier des musiques du monde sur le web, de 1998 à 2012 et composeur de musique. (le 17/02)

« Quand internet a eu les capacités d’absorber des flux plus importants, on a commencé à voir des vidéos, à avoir des sons, (…) Les gens ont commencé à beaucoup utiliser le mp3, ce format très compressé, pas forcément de bonne qualité mais qui donnait une idée en direct d’un son. »
« Quand le mp3 est arrivé, ça a pris de l’ampleur parce que c’était facilement accessible, mais aussi parce que y’avait pas une grande différence de qualité pour l’auditeur moyen. »

« Les gros acteurs ont pas essayé de comprendre, ils ont d’abord fait l’autruche, ensuite ils ont essayé de faire barrière, et puis d’instaurer de la répression, avant d’essayer de comprendre comment ça fonctionnait. (…) Il y avait les pionniers, ceux qui essayaient de voir plus loin les possibilités du numérique et de la transmission par réseau, et ceux qui refusaient et qui restaient dans une logique de profit. »

« Ils avaient déjà fait un gros coup avec le CD, annoncé comme une révolution qualitative, alors que c’était plutôt une révolution quantitative. (...) Avec le temps on s’est rendus compte que les CDs s’abîmaient alors qu’on nous les avait vendus comme des objets immortels. »

« Ce qui à beaucoup favorisé le report total sur le numérique, c’est que quand on avait un album, on avait une grande surface pour le projeter dans l’univers de l’artiste, le 33cm avec la pochette, tu peut te mettre derrière, tu peux rentrer dedans, ta tête elle est plus petite que l’objet ! Et d’un coup le CD ça se rétrécit, donc tout ce qui est visuel se réduit aussi (…) il y en a un qui est beaucoup plus présent »

« L’univers de l’artiste s’est extériorisé, il est parti de la maison, sauf par télévision interposée… Tu peux pas toucher un clip de tes mains, et le mettre dans ta chambre et l’ouvrir au moment ou tu veux, pour rayonner dans la chambre d’ado du fan. (...) On perd une relation plus intime avec l’objet disque, la relation on va l’avoir au milieu d’une foule en allant voir l’artiste. »

« Ce qui était bien c’est que t’écoutais le disque et que quand il s’arrêtait t’avait toujours la pochette qui maintenait la présence, l’aura de ce que tu venais d’entendre, des sentiments que tu avais eu en écoutant, ce que tu avais pu partager à ce moment là. »

« Les frontières géographiques se sont perdues, et les frontières temporelles aussi se sont perdues (…) l’évolution culturelle se fait plus du tout dans une perspective naturelle. »

« J’ai l’impression que la musique aujourd’hui a un impact beaucoup moins profond qu’autrefois. »

4- Cedric Claquin, directeur général adjoint d’1D Lab, laboratoire territorial d’innovations culturelles gérant 1D Touch, la première plateforme de streaming équitable. (le 23/02)

« [Avec la musique numérique, ndlr.] il y a un côté de simplicité d’usage mais après je pense que ça enlève la conscience de d’où ça vient et de ce que c’est, de comment c’est produit. Ça a coupé le lien physique, intellectuel aux choses. »

« Il y avait un phénomène ou tu était multisupport, maintenant tu concentres les endroits ou tu consommes, donc tu as des monopoles, et donc des enjeux beaucoup plus importants. »

« Là ou c’était une promesse de grande démocratisation de l’accès à tous et de diffusion, il y a tellement d’hyperchoix qu’au final il n’y a plus de découverte.» « Ça te donne l’impression que tu peux accéder à tout, tout le temps, mais est-ce que tu peux vraiment? (...) Donc je pense qu’on va revenir à de la curation, de la sélection et de la personnalisation. »

« Même quand c’est fait par des algorithmes ça peut être fait de manière intelligente. Est-ce que l’algorithme, c’est la foule qui décide, ou bien tes goûts ? C’est de l’algorithme qui a du sens. »

« Il faut travailler sur des solutions complémentaires et hybrides [entre humain et machine, ndlr]. »

« C’est quoi être indépendant? Comment on peut se singulariser? C’est en disant : j’ai une façon de travailler proche de l’artisanat, du petit objet, du fignolé, de la pièce unique ou de série limitée, versus tout le monde se reconnaît dans les mêmes choses et a les mêmes marques.

« Dans ce monde numérique il faut réinvestir de l’objet et de la proximité. On revient sur des circuits courts. »

« Rematérialiser, resémiotiser la musique, la remettre en contexte, etc. il y a sûrement des choses à faire» (...) Il faut opposer à l’hyperchoix et les catalogues mondiaux, du sur-mesure ultra malin et du petit. »

« Le concept de libido me semble intéressant, et je pense que l’objet numérique a une dimension sociale au sens de «j’appartiens à mon époque, je peux communiquer avec ma communauté.» »

«Nous on essaie de développer, avec des outils numériques, des nouvelles solutions dans un nouveau monde. »

Synthèse

La révolution des technologies de l’information et de la communication amorcée à la fin du XXe siècle modifie profondément notre vision du monde et de l’autre : elle crée de nouveaux espaces transformant les usages techniques, modèles économiques et rapports socio-culturels humains.

Internet est un réseau mondial de communication affranchi des contraintes spatio-temporelles du monde tangible. C’est aujourd’hui une grande partie du patrimoine culturel humain qui y est numérisé. Séparé de sa forme originelle (livre, disque, dvd), il s’éparpille sur le web, bribes de texte, de sons et d’images voguant au gré des courants électriques.
Je place ma recherche du point de vue de l’auditeur, en assumant le fait que le numérique aie modifié les comportements d’accès et de partage des expériences culturelles. La musique enregistrée est l’un des premiers biens culturels touché par une “dématérialisation” massive.

« La Musique, entre tous les arts, est le plus près d’être transposé dans le mode moderne. Sa nature et la place qu’elle tient dans le monde la désignent pour être modifiée la première dans ses formules de distribution, de reproduction et même de production. Elle est de tous les arts le plus demandé, le plus mêlé à l’existence sociale, le plus proche de la vie dont elle anime, accompagne ou imite le fonctionnement organique. »

Étant par définition évanescente, la matière sonore se prête facilement à la numérisation : ce changement de matérialité n’altère, à priori, que très peu l’essence de l’expérience musicale. De ce fait, elle me semble être une excellente entrée au cœur de la question du besoin de formes tangibles (ou non) du contenu numérisé.
À une époque ou cet art est totalement indispensable et intégré notre quotidien :

Comment s’opèrent, sur le plan technique, les changements d’état de la matière sonore générés par la transition numérique? Et quels en sont les effets économiques et socio-culturels ?

Plan

TECHNIQUE

  • Du solide au liquide
  • Matières invisibles
  • De nouveaux espace-temps

ÉCONOMIQUE

  • La musique, industrie culturelle
  • Des biens aux réseaux
  • Désensibilisations

SOCIO-CULTUREL

  • Les nouvelles formes de curation
  • Une culture globale
  • Transformation de la notion de communauté

CONCLUSION PROVISOIRE

TECHNIQUE

Les pratiques de création et d’écoute de la musique sont, de l’invention du premier instrument à celle du micro-ordinateur, profondément liées à la technique. Les avancées techniques qui définissent les pratiques d’écoute de musique enregistrée à partir du XXe siècle sont dépendantes des découvertes physiques de leur temps (électricité, électromagnétisme, électronique, etc.). Les objets techniques qui en résultent modifient notre perception de la matière, du temps et de l’espace musical.

TECHNIQUE • Du solide au liquide

La première grande mutation dans le monde de la musique fut celle de l’enregistrement. Il permit de capturer la matière sonore évanescente pour la “solidifier” dans un support.

Depuis, l’innovation technologique a favorisé une évolution constante des supports d’enregistrement, laissant dans son sillage des formats et équipements (Formats : vinyle, cassette, CD, etc. Équipements : platine, magnétophone, lecteur MP3, etc.) rapidement remplacés malgré la subsistance de leur utilisation.
Dans une course effrénée à l’efficacité et à la miniaturisation, la musique numérisée l’emporte par sa reproductibilité, sa facilité d’accès, de transmission et de stockage. On assiste à une multiplication des appareils connectés multifonctions (Smartphones, tablettes, ordinateurs, etc. Lors de l’entretien, Cedric Claquin utilise le terme « couteau suisse ») nous permettant de consulter des contenus musicaux présentés comme “immatériels”, réduisant l’importance des contenants uniques : les supports “matériels ”.

On remarque aujourd’hui une scission claire entre deux pratiques d’écoute des amateurs de musique enregistrée, qui néanmoins cohabitent :

L’écoute que l’on appellera “solide”, est celle ou le son est indissociable d’un objet concret et fini, qui lui est propre. (Le vinyle en est un bon exemple : le son est inscrit sur une galette d’acétate gravée de sillons.) Lorsqu’on en fait l’acquisition, il entre en relation directe avec notre corps : on peut le manipuler à volonté (le lire, le regarder, l’entreposer, le prêter) mais pas le modifier, il est de ce fait immuable.
Il est souvent l’objet de gestuelles et d’une écoute quasi-rituelles et parfois porteur d’une mémoire toute personnelle. Dans tous les cas, c’est un objet avec lequel on développe un affect, et la valeur qu’on lui assigne, parfois équivalente à sa rareté, peut aller jusqu’à la fétichisation.

L’écoute que l’on nommera “liquide” est celle où le son fluctue à travers des interfaces graphiques, articulations entre le monde physique et l’espace numérique qui traduisent les informations stockées dans la mémoire d’une machine sous forme de fichiers. Dans le cas du téléchargement on peut facilement les lire, les ranger, les déplacer, les modifier, les effacer. Dans le cas du streaming c’est un chemin qu’on emprunte, un lien appelant une ressource sur un serveur distant.
La forme brute, encodée, de cette d’information nous est indigeste : elle est abstraite à nos yeux. Ces fichiers acquièrent une valeur moindre car on ne les possède pas à proprement parler : ils sont pluriels, dupliqués des milliers de fois, fragmentés, partagés, dérivant de la Chine à l’Amérique en quelques millisecondes. Cette matière “nue” est certes plus fluide, mais aussi moins présente.

TECHNIQUE • Matières invisibles

Tout comme les données, la forme brute de la musique est invisible. Il s’agit d’énergies en transit dans un milieu : dans le cas de la musique, art de l’instant, ce sont des ondes qui traversent l’air pour faire vibrer nos tympans et nos corps. Lorsqu’elle est numérisée sous forme de données, il s’agit d’ondes électromagnétiques (photons) traduits en séries de valeurs binaires par l’ordinateur.

Le terme le plus souvent utilisé pour décrire les phénomènes intangibles et celui d’immatériel, terme notamment démocratisé par l’exposition de nouveaux médias numériques « Les Immatériaux » au centre Pompidou en 1985, ayant pour commissaire d’exposition le philosophe J.F. Lyotard, et par A. Gorz dans son ouvrage l’Immatériel.
L’immatériel est aujourd’hui un maître-mot du numérique: on parle de nuages de données, de flux d’informations…Toutes ces métaphores d’une énergie évanescente invisible nous poussent à rêver à une information incorporelle, flottant comme une âme dans les limbes numériques.

Et que faisons nous de l’invisible ? Des parcs de serveurs, des data-centers, reliées par des kilomètres de câbles courant au fond des océans aux quatre coins du monde ? Et les tonnes de déchets électroniques, cadavres de nos machines nées-obsolètes dans la course à l’innovation, sont-elles, elles aussi, immatérielles ?
Si certaines techniques peuvent être un véhicule privilégié pour le développement d’énergies renouvelables, il serait inconscient de faire penser le numérique comme une économie de l’immatériel proposant des solutions miraculeuses aux problèmes écologiques actuels ; cette vision néglige l’extraction des matières nécessaires à la fabrication du matériel électronique (comme le lithium) ; l’impossibilité de recycler la plupart des composants ou encore la consommation d’énergie gargantuesque des data-centers. (D’après Flippo dans La face cachée du numérique, les data-centers dans le monde consommeraient autant d’énergie que 30 centrales nucléaires.)

Pour aller plus loin, on pourrait proposer d’utiliser le terme « hypermatériel », utilisé par B. Stiegler pour décrire des technologies qui tendent à « maîtriser de la matière-énergie dans ses moindres états et à toutes échelles » et l’industrialisation de tous les aspects de la vie.( Tiré du vocabulaire d’Ars Industrialis)

TECHNIQUE • De nouveaux espace-temps

Les changements d’état de la matière sonore induisent des modifications des situations d’écoute de la musique. La musique est un art de l’instant présent, qui nécessite de contenir le passé. (On parle alors de protention. Voir Temporalité dans le lexique ) Elle est donc par essence la sensation du temps qui passe, et quand elle s’évapore et que le silence se fait, elle ne laisse qu’une trace altérable dans notre mémoire.

À ses origines la musique était une tradition de transmission exclusivement orale, elle avait un hic et un nunc (« Ici et maintenant » en latin.) et nécessitait la présence de l’artiste et s’exécutait à des moments précis (célébrations, moissons, initiations, etc.) En capturant un événement sonore évanescent de tradition orale, l’enregistrement permet de différer le moment de l’écoute de celui de l’interprétation. L’instant passé, « gelé » dans un support de mémoire artificielle (Vinyle, disque dur, etc. voir Hypomnémata dans le lexique ), prolongement de notre mémoire naturelle, devient pérenne.
Il empêche sa disparition et permet sa conservation, sa remémoration (anamnésis chez les grecs) et sa transmission. Sauvée de l’oubli qui la menace dans notre mémoire imparfaite, la musique subsiste au-delà de la mort du corps de son auteur. On peut alors “l’exhumer” quand cela nous chante. L’invention de l’enregistrement permet de plier le temps au gré de nos envies et, en quelque sorte, de se soustraire aux lois de la nature.

L’enregistrement rend également possible la reproductibilité à l’identique de la musique (à l’instar de la photographie qui rend reproductible, pour la première fois, l’art visuel, Comme l’explique Walter Benjamin dans L’œuvre d’Art à l’époque de sa reproductibilité technique) Avec le phonographe, puis le poste radio, cette musique plurielle sort des espace-temps communs dédiés (fêtes, cabarets, concerts, etc.) pour entrer dans l’espace domestique de chacun (dans sa discothèque propre). De plus en plus présente dans le quotidien, elle ne rythme plus nos vies, mais s’adapte à notre rythme propre.
Avec le walkman, ancêtre de l’Ipod, la musique devient d’autant plus mobile qu’elle nous accompagne dans tous nos déplacements. Aujourd’hui, elle est plus que jamais intégrée à notre vie, jusqu’à devenir un « fond sonore » accompagnant diverses activités. Dans ce « continuum musical » les moments de silence, éléments inhérents à la musique, se raréfient.

Les nouvelles technologies (notamment le micro-processeur) et l’accès généralisé à la connexion ont rendus la musique ubiquitaire. Avec le streaming notamment, toute la musique du monde est là sous nos doigts, prête à être écoutée en tout lieu et à toute heure, sous condition d’être connecté.
Parallèlement le disque, puis internet sont des vecteurs de diffusion de la musique à l’échelle mondiale. Transférée dans le cyberespace, espace « transgressant les frontières nationales et abolissant les distances géographiques » (Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, 2002, p.373), elle circule plus vite et plus loin que jamais favorisant, comme le disque, l’interpénétration des cultures et la perméabilité des frontières. Cette explosion de la vision close de l’espace-temps, entraînée par des découvertes physiques et techniques, décuple les possibilités d’écoute et influent considérablement sur le modèle économique de l’industrie de la musique.

ÉCONOMIQUE

Depuis l’invention de l’enregistrement, et plus particulièrement du microsillon, la musique est devenue une industrie culturelle (Théorisée par Adorno et Horkheimer dans La dialectique de la raison, 1974), au sein de laquelle l’image devient primordiale. La transition vers une ”économie des réseaux” (Terme utilisé par Jeremy Rifkin) représente un bouleversement du modèle économique, et permet un accroissement du choix musical, peut-être même jusqu’à saturation.

ÉCONOMIQUE • La musique, industrie culturelle

Attachée à l’objet-disque, la musique devient un bien aliénable et voit dans le même temps croitre sa médiatisation. Ainsi, pendant les trente glorieuses, elle se transforme en véritable industrie culturelle de masse, contrôlée principalement par des majors qui produisent et des disques en série et les écoulent auprès de consommateurs désireux de nouveauté.
Cette situation crée un besoin de graphiques associés à l’objet technique, d’abord pour le protéger, puis l’identifier et enfin le rendre visible et désirable. On pourrait dire que le versant visuel de la musique, matérialisé sous la forme de la pochette par le graphiste, est un outil de marketing utilisé pour stimuler le désir de possession de biens culturels en créant de l’affect chez le consommateur.

Dans un monde de perceptions guidées majoritairement par l’œil (Lacan et Freud parlent de pulsion scopique, l’homme étant un être ayant un rapport privilégié au visuel), on peut considérer que le besoin éventuel de matérialité et de présence visuelle de la musique soit crée par la nécessité de rendre d’abord visible, puis possédable une énergie qui nous échappe.
L’image devient un véhicule important de l’univers d’un artiste, créant une certaine attente. Le designer a donc un rôle de médiation entre l’artiste et le public, en interprétant un univers sonore sous forme d’imaginaire visuel, pour recréer un lien avec le contexte de la création de la musique dont celle-ci se retrouve séparée.
Au delà du simple outil de marketing, certains artistes ont su faire du « cover art » un véritable espace d’expression et parfois même de subversion, un support de collaborations prolifiques entre artistes, ainsi qu’un vecteur de communication contribuant à la diffusion massive de musique enregistrée.

ÉCONOMIQUE • Des biens aux réseaux

Si le disque a amorcé une facilité d’accès à un choix grandissant de musique à moindre coût, la combinaison de la démocratisation d’internet et de la numérisation des œuvres musicales a grandement amplifié ce phénomène.

Avec le peer to peer, l’organisation en réseaux d’internet permet l’alimentation constante par pairs d’un catalogue fragmenté presque exhaustif de l’histoire musicale humaine dans lequel chacun est libre de piocher à volonté, sans contrepartie. L’utilisateur prend donc part au processus de transmission de la musique, créant une nouvelle diversité, bien que ces pratiques soient illégales.
On y verra un lien fort avec les pratiques collaboratives de l’open culture, qui soutiennent un accès débridé aux ressources culturelles. La possibilité de partage et la liberté d’accès prennent le pas sur la prévalence des droits de propriété intellectuelle, au grand dam des acteurs de la musique qui voient leurs ventes baisser sans agir pour autant. Dépossédés de leur matière première, certains condamnent fervemment ce nouveau modèle (Avec la loi des Digital Rights Management à la fin des années 90.)

Quelques années plus tard fleurissent les premières plateformes de téléchargement musical payant en ligne (Itunes), puis de streaming “Freemium” (Deezer, Spotify) et sponsorisé (Youtube), au choix presque aussi gigantesque que dans le cas du peer to peer. Ce nouveau modèle en prise de vitesse est celui de l’avènement du contenu sur la forme, et de l’accès sur la propriété.
Lors de l’écoute en streaming, la musique ne nous appartient plus exclusivement, on loue un accès temporaire à un flux de musique, devenant de ce fait consommateur d’une expérience culturelle qui peut nous rendre dépendant du prestataire qui nous loue ce service. Il serait donc objectif de questionner l’éthique de ce mode de consommation, en se demandant qui en tire profit.

ÉCONOMIQUE • Désensibilisations

L’accessibilité à cette matière sonore infinie peut amener à un épuisement du désir de l’auditeur pour la musique.

« Le fait de disposer d’une telle quantité de produit sonore n’élimine-t-il pas l’effort qui autrefois était nécessaire pour « mériter » la musique (…) Ne contribue-t-il pas à appauvrir la sensibilité ? » (Umberto Eco, La musique et la machine, p.13)
En effet, le temps qui sépare l’expression du désir de sa satisfaction tend à s’approcher de zéro, ce qui réduit considérablement l’impatience qui précède l’acquisition et l’écoute, ultime récompense de l’attente.
L’auditeur peut être pris de « boulimie », zappant toujours plus vite car submergé d’envies transitoires moins réfléchies. Se voyant dans l’incapacité de “tout écouter”, il finit parfois par ne plus apprécier son écoute.

D’autre part, les formats numériques peuvent remettre en question la légitimité de la symbolique et de l’affect porté par les formes sensibles non-auditives de la musique (objet, image). En déplaçant son milieu de stockage hors de notre portée, le contenu est archivé à distance de notre corps, il disparaît pour un temps de notre environnement.
Séparés de leur enveloppe matérielle symbolique, “désincarnés”, ces contenus deviennent plus difficiles à percevoir et à valoriser, car perdus sous le flot d’informations.

L’hyper-choix des catalogues géants de streaming peut être déconcertant pour un auditeur en recherche de nouveauté. À une époque où le temps humain est une denrée rare, comment tracer des chemins dans les flux ininterrompu du cyberespace ? Qui sont les nouveaux guides ?

SOCIO-CULTUREL

La musique est une forme de communication et d’expression, ce qui a toujours fait d’elle un vecteur primordial de socialités et de communion. Le numérique a modifié la façon dont nous construisons notre goût, personnellement et dans notre rapport à l’autre.

SOCIO-CULTUREL • Les nouvelles formes de curation

La curation est une pratique rendue nécessaire par la quantité grandissante de musique accessible sur le marché. À la radio, le choix musical est entre les mains du programmeur : c’est lui qui décide de ce que les auditeurs peuvent écouter. Lorsque le disque était roi, l’audiophile se dirigeait à l’intuition, guidé tantôt par l’image, par un nom familier, le conseil d’un ami ou de son disquaire. Le programmeur et le disquaire détiennent ce rôle emblématique de passeur appliqué à une transmission de musique tantôt massive, tantôt personnalisée, permettant de découvrir de nouveaux territoires musicaux.

C’est aujourd’hui le rôle emprunté par les plateformes de streaming, dignes successeurs de la radio, et de leurs curateurs humains et/ou algorithmiques proposant des recommandations précises et personnalisées aux utilisateurs. Ces médiations sont une aide précieuse pour écumer les millions de morceaux disponibles.
La technique la plus utilisée est celle du filtrage collaboratif qui consiste à construire des recommandations personnalisées en fonction des affinités et écoutes d’un utilisateur en le comparant avec d’autres utilisateurs ayant des goûts similaires. C’est donc l’auditeur qui, sans en être conscient, fournit des données pour alimenter ce système en constante évolution.

L’humain a toujours sa place dans les systèmes de curation, mais il est désormais assisté par des machines. Et si celles-ci peuvent s’avérer redoutablement efficaces, leur fait peut-être défaut la sensibilité et l’intuition humaine (nécessaires pour mettre en forme une playlist fluide par exemple) qui prime dans le domaine de la musique, si reliée à l’émotion personnelle.

Les géants du streaming se posent donc en nouveaux passeurs de l’industrie musicale, succédant aux majors dont ils partagent les catalogues, en contrôlant et commercialisant l’accès au contenu musical.

SOCIO-CULTUREL • Une culture globale

On pourrait questionner « l’objectivité » de ces systèmes de recommandations où la prise de risque n’est pas de mise, car ils sont souvent amenés à privilégier les artistes écoutés par le plus grand nombre (dû au filtrage collaboratif), en défaveur de la diversité culturelle. Umberto Eco parlait déjà en 1965 d’une « paresse intellectuelle » amenant à « vendre ce qui plaît ».

En effet, Internet n’échappe pas aux phénomènes de globalisation culturelle communs à la plupart des médias de masse. Comme le témoignent les nombreux phénomènes médiatiques éphémères du web qui disparaissent rapidement dans les archives de Youtube pour être vite remplacés, les réseaux sont aussi soumis à des tendances à l’obsolescence programmée.
Les juxtapositions improbables et les fichiers sans sources qui se baladent sur le web peuvent être vus comme altérants le sens d’une musique qui, déracinée, n’est plus liée à une histoire ou un territoire.
Mais ils peuvent également être vus comme événements de serendipité, qu’offre l’option « aléatoire » que proposent aujourd’hui beaucoup de lecteurs.

Si sous un certain angle internet peut être vecteur d’une uniformisation du goût, conséquence de la volonté de créer une musique universelle, il favorise également la diffusion à plus petite échelle d’artistes moins connus, découverts par hasard au fil d’hyperliens ou d’une écoute aléatoire. (Dans Mainstream, Frederic Martel parle de l’opposition et de l’évolution underground / mainstream)
L’amateur peut trouver beaucoup de plaisir à “creuser” pour déterrer des pépites musicales perdues sous des couches de contenu, permettant de découvrir des pratiques musicales véhiculant les idéaux d’autres espace-temps.

SOCIO-CULTUREL • Transformation de la notion de communauté

La musique permet de communiquer des significations culturelles. Elle est souvent symbole d’idéaux, d’émotions, ou d’opinions propres à une communauté sur laquelle elle exerce une certaine influence, notamment par l’image, en grande partie chez les jeunes.

La socialisation de la musique s’accomplit originellement dans un cercle de relations directes (famille, communauté, groupe d’amis, etc.) et aditionnellement dans l’anonymat collectif qu’offre une représentation de musique vivante (concert, célébration, etc.)
La situation d’une écoute incarnée vécue en présence du musicien fait se mouvoir la musique sous nos yeux “en chair et en os” et résonne à travers nos corps (vibrations, danse), dans le cas d’un rassemblement collectif, elle amène parfois à “faire corps”, lorsque dans une foule elle soulève des émotions communes, créant une relation de syntonie entre les humains.

Partager un instant musical est un événement profondément social. En rendant possible l’écoute individuelle, la technologie a réduit l’importance de la présence physique dans l’écoute musicale, et donc, d’une certaine forme de socialité et d’échange, que l’on retrouve autrement dans la musique “en direct” qui propose de nouveau une expérience sociale réelle.
Si le disque a d’une part favorisé une écoute plus personnelle, il a d’autre part rendu possible une nouvelle socialité grâce au partage de musique entre auditeurs (Prêt/don de disques, écoutes collectives, groupes d’amateurs, etc.).
Ces partages élèvent chaque auditeur au rang de curateur potentiel, c’est d’ailleurs le point de départ de la pratique du DJing, car le disc-jockey est un intermédiaire de transmission de musique enregistrée, faisant de la sélection un art à part entière.

Avec la transition du territoire vers le cyberespace, la notion de communauté évolue, de plus en plus basée sur des réseaux d’intérêts connectés plutôt que sur des communautés tangibles. On partage à distance hors de notre espace-temps originel, sans se voir ni se parler. Si on peut craindre, comme l’avance Jeremy Rifkin, une « perte de l’empathie et du lien social profond » (Jeremy Rifkin, L’âge de ‘accès, p.414) due à la nécessité de médiation des expériences humaines par des interfaces techniques. Il faut aussi considérer le fait que ces nouveaux territoires permettent d’interconnecter l’humanité (à travers les réseaux sociaux par exemple) De ce fait, le lien social ne disparaît pas : ils change seulement de forme.
Il convient seulement d’être attentif à ne pas verser dans l’excès du fantasme numérique, et d’être conscient qu’une grande partie de la population est exclue de la nouvelle vie culturelle et sociale en ligne.

CONCLUSION PROVISOIRE

Il me semblerait donc juste de considérer que la transition numérique agit, pour la musique enregistrée, comme un pharmakon. Ce terme décrivant « La toxicité de ces nouvelles évolutions et leurs bienfaits. » questionne activement le fait que le numérique soit à la fois un « outil d’émancipation et d’aliénation ».

En effet, à travers le passage d’une écoute solide à une écoute liquide, la numérisation (comme le disque auparavant) a conféré à l’homme une extraordinaire liberté de choix et de personnalisation quant à ses situations et objets d’écoute, tout en permettant de la reproduire, de la conserver et de transmettre la musique à une plus grande échelle.
En rendant la musique ubiquitaire et en facilitant l’accès à une matière sonore “infinie” affranchie du temps et des frontières du monde tangible, la technologie a fluidifié l’experience d’écoute, mais également stimulé la création musicale.

Mais on peut aussi penser que, sur internet, ces mêmes possibilités de choix et d’accès instantané à un flux sonore continu et fragmenté puissent induire une désacralisation de la musique, perte de valeur et d’impact et de visibilité, et également d’attention, de désir et de curiosité pour celle-ci.

C’est probablement la raison principale du regain de popularité actuel du vinyle, objet de désir édifié en seul véhicule “authentique” de la musique par les amateurs pour son unité, sa présence et sa qualité d’écoute qui inclus les éléments “périphériques” de l’écoute comme l’image. (Dans Numérimorphose, Fabien Granjon : parle de la « consecration de l’album comme l’expression matérielle aboutie de l’œuvre musicale » )Contrairement aux modèles comme celui des géants du streaming, il permet de rémunérer les artistes plus directement, et donc d’alimenter la créativité.

La transition du milieu de consommation de la musique et d’autres formes d’expression culturelle de l’espace géographique à l’espace numérique entraîne de nouveaux monopoles de contrôle de l’accès au contenu. Ces nouvelles frontières peuvent créer une forme de dépendance pour les consommateurs, tout en excluant une partie de la population. De ce fait, elles menacent la liberté et la diversité culturelle.
Mais parallèlement, c’est une nouvelle culture du libre accès au savoir et de la collaboration qui se développe sur internet, vecteur d’une culture foisonnante et éclectique.(Hormis le peer to peer, on pensera aux projets artistiques en financement participatif ou aux initiatives de musique à prix libre.)

Dans notre monde en perpétuelle mutation, il m’apparaîtrait juste de ne pas craindre une “virtualisation” totale des pratiques culturelles et sociales humaines, et de considérer le cyberespace comme un milieu de partage à a fois constant et différé, vecteur d’un changement d’organisation du savoir (Comme le furent l’invention de l’écriture et de l’imprimerie. ), et d’une nouvelle communication plus globale (Comme le téléphone au temps de son invention).
Ces nouvelles formes de communication ont le pouvoir de façonner de nouveaux espaces de liberté et de tisser de nouvelles formes de liens sociaux dans le monde tangible, à l’image des Fab Labs.

OUVERTURE

La numérisation des contenus culturels nous amène donc à repenser constamment notre monde au rythme effréné du progrès technologique. Et c’est avant tout le rôle du designer d’inventer les formes futures de ces contenus pour les adapter à leur nouveau milieu.
Lorsque Anthony Masure parle de « l’obsolescence d’une forme, ou sa persistance à l’état de fantôme dans une autre enveloppe » il décrit bien le fait que le designer doive s’extraire du modèle mimétique d’une forme profondément installée (comme le livre papier) lorsqu’elle s’incarne dans un nouveau médium. (Dans Ipad et mimesis, 2010)

L’imaginaire visuel de la musique enregistrée se verrait alors affranchi des limites de son enveloppe finie (la pochette rectangulaire), pour embrasser les nouvelles possibilités que lui offre la matière numérique, tout en conservant son rôle primaire de projection, de visibilisation et de valorisation d’un contenu.

Il est pour cela nécessaire de penser des images polyvalentes adaptables aux différents formats solides et liquides (vinyle, CD, écran d’ordinateur et de téléphone, etc.)

Il est également possible, dans l’optique d’un besoin de retour à des formats tangibles et sensibles de la musique (vinyle), d’imaginer des formes hybrides qui manifestent la présence de la musique « en puissance » dans notre environnement immédiat. En empruntant au tangible et au numérique leurs qualités (facilité et tactilité), ils proposeraient des circulations alternatives de la musique. (voir disposifit technique)

Dans tous les cas l’image demeurerait un vecteur primordial de découverte et de plaisir esthétique, ainsi que témoin de l’existence d’une matière invisible.

Annexe / Stage

Quatre mois au FabLab Berlin

Cet écrit porte sur le concept de FabLab, ainsi que sa valeur de lieu de création collective véhicule d’une nouvelle vision de l’économie à l’oeuvre sur internet. Pour découvrir mon expérience de fabrication personnelle au Fab Lab Berlin, le projet Boxson, direction la partie technique.

FAB LAB ?

Le Fab Lab (Fabrication Laboratory) est un concept né dans la fin des années 90 au Center For Bits and Atoms du MIT à partir de l’idée « créer plutôt que consommer » dans une logique d’innovation, d’ouverture et de partage.
C’est un réseau de tiers-lieux locaux ayant pour vocation de fertiliser l’expression par la technologie, en facilitant l’accès du grand public aux technologies de fabrication digitale (Comme l’impression 3D, le fraisage numérique, la découpe laser, la micro-électronique, etc.) et le prototypage rapide d’objets physiques, sans nécessiter de pré-requis techniques et à des tarifs abordables.

Ces lieux de vie ouverts à tous concentrent différentes vocations : entre transmission de savoir-faire, création de projets et partage de connaissances, ils permettent une approche transdisciplinaire de l’innovation, de l’électronique au textile en passant par le mobilier ou encore la sculpture.

Aux quatres coins du monde, ils forment aujourd’hui un réseau physique décentralisé articulé autour de la communauté des “makers”, née de la culture collaborative à l’œuvre sur internet. (Terme popularisé par le magazine Make, également à l’origine du festival Maker Faire, grande rencontre annuelle des “makers” hors ligne.)

Plusieurs aspects de ces lieux hybrides m’intéressent dans le cadre de mon projet de design : Les FabLabs s’inscrivent dans la logique du Do It Yourself (DIY), au sein de la nouvelle économie des communs. Ils poussent à l’initiative créatrice, permettant de donner vie aux idées.

DO IT YOURSELF !

L’environnement du Fab Lab élargit les possibilités de la fabrication personnelle. La liberté d’accès aux savoirs y rend possible la conception de projets en autonomie à moindre coût (J’entends par là, sans faire appel à des firmes industrielles).

Au Fab Lab Berlin, il est d’usage d’assister à un workshop d’introduction qui donnera les clés de l’usage basique d’une technique, avant de pouvoir l’utiliser en autonomie. Cette introduction permet d’outrepasser l’obstacle que peut représenter une technique inconnue, pour laisser comme seule limite celle de l’imagination.

Le DIY c’est la philosophie de la « bidouille ». On s’approche de la définition de Levi-Strauss du bricoleur comme une figure de l’innovation par l’exploration. Contrairement à l’ingénierie, le bricolage laisse place à l’expérimentation et à la sérendipité, souvent en utilisant des moyens détournés (Je pense ici au hacking, au circuit-bending ou à la récupération, pratiques au cœur de l’esprit FabLab.).

Ces idéaux permettent une éducation par l’action, ainsi qu’une consommation “active” (on parle parfois de prosommateur) qui favorise une forme de lutte contre l’obsolescence programmée (par exemple en fabriquant ses propres objets, en réparant son matériel électroménager, son mobilier, etc.).
Le consommateur se place ainsi à la source de l’innovation en s’appropriant les moyens de production pour créer des produits uniques et personnalisés. (Dans le Manifeste du parti capitaliste, Marx imagine une société où la collectivité s’approprie les moyens de production aux dépens de la propriété privée.)
Neil Gerschenfeld, créateur du concept de FabLab, parle d’une «inversion du paradigme de l’innovation, en passant d’une logique top down à une logique bottom up. » Le consommateur s’exclut du schéma où l’individu est asservi car ignorant et s’émancipe ainsi de sa dépendance à l’industrie de masse, en y substituant, peut-être, une « interdépendance » : une dépendance aux autres qui alimente l’esprit de communauté.

DO IT WITH OTHER !

Dans un FabLab on peut travailler indépendamment à partir d’une idée originale, ce qui ne veut pas dire que l’on doit travailler seul. On peut combler ses lacunes personnelles en apprenant du savoir transmis par les autres.

Ces lieux sont construits autour de communautés de partage physiques nées de communautés en ligne. Il est d’usage que chacun mettre en commun ses travaux, pour que l’autre puisse s’en saisir et les alimenter (Ils peuvent être mis en ligne sous la license Creative Commons, beaucoup moins restrictive que les lois de propriété intellectuelle et bien adaptée au web.)
On peut donc récupérer, répliquer, transformer ou prolonger des projets initiés par d’autres Makers. C’est la philosophie de l’open source, qui s’applique aussi bien pour les objets que pour les machines ou les logiciels. On peut comparer ces pratiques à celles, aujourd’hui essentielles, du sample et du remix dans les musiques électroniques. Ces formes en perpétuelle évolution se transforment au gré des mains entre lesquelles elles passent.

Ces actions sont rendues possible par l’apparition de plateformes internationales de partage de fichiers : on partage des plans et informations sur Wiki, des fichiers 3D sur Thingiverse, des morceaux de codes sur Github et des tutoriels de fabrication sur Instructables.

Ces systèmes de partage de pair à pair sont comparables aux réseaux de partage de contenus culturels numérisés (films, musique…) que l’on trouve sur internet.
Ces nouvelles typologies de partage remettent le lien humain au centre de la création, en nous montrant que l’on peut s’enrichir les uns les autres, tout en continuant d’innover au rythme de la technologie.

CONCRETIONS

Je trouve intéressant le fait que les FabLabs permettent la transformation d’un projet “abstrait” en sa concrétisation complète : en d’autres mots, le fait de donner “corps” à une idée par le biais de la transformation d’une matière première et ce grâce à la technologie.

Il s’agit du processus de migration d’une idée du milieu intelligible vers sa conception dans le milieu numérique (sous fome de bits) et enfin sa fabrication dans le milieu sensible en un objet solide et concret (sous forme d’atomes).(CAO : Conception Assistée par Ordinateur : modélisation 3D, dessin vectoriel, etc.
FAO : Fabrication Assistée par Ordinateur : impression 3D, découpe laser, etc.) Le mot “concrétion” est intéressant : il traduit la solidification de différents corps chimiques et physiques. On évoque ici l’idée du changement d’état d’une pensée qui se matérialise en un artefact.

Ce processus se rapproche de la définition du projet : la réalisation d’une idée animée par une volonté. (Pro-jeter, littéralement jeter vers l’avant.)
Paul Ricoeur distingue le projet « à l’état de projet » c’est à dire à son stade de conception, d’anticipation et la réalité de l’action, réalisation conséquence d’un mouvement du corps. C’est donc au moment du mouvement (de la main ou de la machine, son prolongement) que se réalise le projet.

J’ai expérimenté cette synergie créatrice qu’on trouve à l’oeuvre dans les FabLabs. Retrouvez le déroulement de mon projet dans la partie dispositif technique.

CONCLUSION

Le développement rapide des FabLabs peut nous amener à nous questionner sur les bouleversements socio-économiques qu’engendre le libre accès aux savoirs en général et aux technologies de fabrication digitale en particulier.

Née d’internet avec l’essor du logiciel libre, la culture des communs a déjà transformé les pratiques de consommation culturelle en permettant aux humains l’accès gratuit et instantané au contenu culturel numérisé, notamment grâce au peer to peer.
Le partage de contenu (couplé à la démocratisation du home studio) a particulièrement dynamisé la création musicale, plus spécifiquement dans les musiques électroniques, permettant aux musiciens d’intégrer dans leur création celle d’autres musiciens (sample, remix, edit) Ces pratiques appellent à l’abolition du fonctionnement actuel de la propriété intellectuelle en faveur de la culture libre, et ce nouveau modèle s’étend actuellement aux artefacts “physiques” par le biais du mouvement Maker et des Fab Labs.

On peut imaginer qu’avec la rapidité d’évolution et de popularisation de technologies de fabrication comme l’impression 3D, on pourrai bientôt “matérialiser” n’importe quel objet, dans à peu près n’importe quel matériau, à partir de fichiers téléchargés (Sous license libre comme sur thingiverse, ou en “premium”, sur des sites comme 123D.).
C’est le rôle de la production industrielle qui serai remis en question par le numérique en faveur de la production entre pairs, tout comme internet a remis en question le contrôle des majors sur l’industrie musicale.

C’est également la valeur du travail créatif que les communs amènent à interroger. Si chacun peut se proclamer “créatif”, comment subsistent ceux dont c’est le métier?
Et puisque d’aucuns se refusent à payer pour la création, comment rémunérer l’inventivité sans cesser de partager? Des solutions stables semblent très difficiles à envisager dans le cadre du modèle capitaliste actuel.
Dans un monde en crise la culture des communs tend à inventer un écosystème humain alternatif, favorisant la coopération et la mutualisation entre pairs “libérés” des enclosures crées par le marché.

Économistes et philosophes travaillent à dessiner de potentiels modèles économiques stables, permettant de rémunérer les contributions à leur juste valeur.

Annexe / Dispositif Technique

BOXSON, DE L’IDÉE AU PROTOTYPE

Voilà le cheminement du projet que je me suis donné le défi d’achever durant ma dernière semaine de stage, en utilisant le maximum des connaissances absorbées durant ces quatre mois, qui m’ont permis de perfectionner mon approche pratique de différentes technologies.La seconde partie est consacrée à l’explication de la technologie sans contact RFID (Radio Frequency Identification)



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Annexe / Lexique

Termes utiles à la compréhension du mémoire

Amateur
Celui qui aime des ouvres ou qui se réalise à travers elles. Il y a des amateurs de sciences et de techniques comme on parle d’amateurs d’art. Face à l’économie consumériste qui épuise les désirs et s’effondre, l’économie de la contribution favorisée par le réseau internet (ex. Wikipédia) permettrait de transformer le consommateur en amateur. (Ars Industrialis - Glossaire de l’ENMI)


Artefact
Mot anglais, formé sur le latin ars, (art), et facere (faire). En anthropologie, il désigne un produit ayant subi une transformation, même minime, par l’homme, et qui se distingue ainsi d’un autre provoqué par un phénomène naturel. (Larousse) (voir Culture)


Communication
Fait de manifester sa pensée ou ses sentiments, par la parole, l’écriture, le geste, la mimique, dans le but de se faire comprendre. (E. Henriquez, 1971)
Les moyens de communication – langage, arts plastiques, musique, danse, écriture, films, enregistrements, logiciels – sont autant d’outils que l’Homme utilise pour interpreter, reproduire, preserver et transformer les réseaux de signification. (d’après Clifford Geertz – Jeremy Rifkin – L’âge de l’accès) (voir Culture)
En sciences, processus par lequel une source d’informations tend à agir sur un récepteur d’informations de manière à provoquer chez celui-ci l’apparition d’actes ou de sentiments. (E. Henriquez, 1971)


Communs
Il s’agit de la production par des contributeurs de ressources qui sont ensuite partagées par la communauté de contributeurs. Dans l’histoire, la production et la préservation de communs par des communautés de contributeurs se limitaient à des ressources naturelles ou des biens physiques dans des zones géographiques peu étendues. La gestion raisonnée et communautaire de forêts, de zones de pêches sont parmi les premières manifestations de cette économie du commun.
La nouveauté qu’apporte l’introduction des technologies numériques dans notre monde, est qu’elle permet de créer des communs universels immatériels à l’échelle de la planète à un coût de reproduction marginal. Ces communs portent sur la connaissance, les logiciels et le design dont wikipédia est l’un des exemples emblématiques. (Interview de Michel Bauwens – Withoutmodel.com)


Consomm’action
La consom’action ou consommation responsable est un néologisme qui exprime cette idée selon laquelle on peut « voter avec son caddie » en choisissant à qui l’on donne son argent, en choisissant de consommer de façon citoyenne et non plus seulement de manière consumériste. (Wikipedia)


Culture
En philosophie, le mot culture désigne ce qui est différent de la nature, c’est-à-dire ce qui est de l’ordre de l’acquis et non de l’inné. En sociologie, la culture est définie de façon plus étroite comme “ce qui est commun à un groupe d’individus” et comme “ce qui le soude”, c’est-à-dire ce qui est appris, transmis, produit et créé.
Ainsi, pour une institution internationale comme l’UNESCO : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels , matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » Ce “réservoir commun” évolue dans le temps par et dans les formes des échanges. Il se constitue en manières distinctes d’être, de penser, d’agir et de communiquer. Par abus de langage, on utilise souvent le mot “culture” pour désigner presque exclusivement l’offre de pratiques et de services culturels dans les sociétés modernes, et en particulier dans le domaine des arts et des lettres. (Wikipedia)


Curation
La curation consiste à rechercher, choisir, organiser, mettre en page et commenter des contenus existants selon une ligne éditoriale personnelle. (Dictionnaire du Web)
La curation est utilisée et revendiquée par des sites qui souhaitent offrir une plus grande visibilité et une meilleure lisibilité à des contenus (textes, documents, images, vidéos, sons…) qu’ils jugent utiles aux internautes et dont le partage peut les aider ou les intéresser. (Wikipedia)


Cyberespace
Lieu imaginaire appliqué métaphoriquement au réseau Internet. Terme créé par William Gibson dans son livre intitulé Neuromancer. (Futura Sciences)
Espace-temps électronique crée par les réseaux de communication et les interconnexions entre ordinateurs, nouveau milieu de communication qui emerge de l’interconnexion mondiale des ordinateurs. (Joel de Rosnay - erudit.org)
Dans le cyberspace, le territoire rugueux et resistant est efface ; ne subsiste qu’un espace lisse, fluide, fait pour la circulation. (Critique des réseaux, Pierre Musso)


Disque Microsillon
Le disque microsillon, appelé aussi microsillon ou vinyle est le disque phonographique qui fut le principal support de diffusion d’enregistrement sonore pendant la seconde moitié du xxe siècle. (Wikipedia) (Voir frise ATC)


Données
Dans les technologies de l’information, une donnée est une description élémentaire, souvent codée, d’une réalité (chose, transaction, événement, etc.) Les données peuvent être conservées et classées sous différentes formes : papier, numérique, alphabétique, images, sons, etc.Le processus d’enregistrement des données dans une mémoire s’appelle la mémorisation. (Glossaire de l’ENMI)


Économie
L’économie est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services.
(+libidinale) La libido (« le désir » en latin) désigne le désir sexuel. Une économie libidinale est dès lors un système de production, de distribution, de consommation et d’échange de biens et de services basée sur les désirs pulsionnels. (Glossaire de l’ENMI)


Enclosures
Une enclosure est un changement de la notion de propriété. C’est originellement l’action de clore un champ. Dans l’Angleterre des Tudor (au XVe siècle) le parlement décréta que les terres, qui étaient auparavant des biens collectifs loués aux paysans par les seigneurs, pouvaient maintenant être la propriété privée d’un individu. L’état rendit rendit ensuite la pauvreté illégale, ce qui obligea les anciens paysans à vendre leur force de travail sur les marchés urbains et industriels qui commençaient à émerger en Angleterre, et plus tard partout. Après la marchandisation de la terre et de la production des biens, l’ultime enclosure est aujourd’hui celle de l’expropriation et de la commercialisation de la culture humaine. (Définition personnelle d’après la lecture de L’âge de l’accès de Jeremy Rifkin)


Encodage
Constituer (un message, un énoncé) selon les règles d’un système d’expression − langue naturelle ou artificielle, sous une forme accessible à un destinataire. (Cnrtl.fr) (Voir Mémoire ; Numérisation)


Enregistrement sonore
L’enregistrement sonore est l’opération qui consiste à garder une trace durable d’un son sur un support en vue de l’écouter plus tard. L’objectif de conserver une mémoire fiable des sons s’inscrit dans l’histoire des cultures qui utilisent une écriture phonétique, raffinée en Europe avec les notations de l’écriture musicale. Les connaissances scientifiques et techniques ont permis, dans la deuxième moitié du xixe siècle, l’utilisation de moyens mécaniques pour le réaliser. Jusqu’à ce moment, on ne savait enregistrer, par l’écriture, que l’interprétation qu’une personne faisait du son. (Wikipedia)


Espace-temps
Espace à quatre dimensions utilisé dans la théorie de la relativité pour déterminer la position d’un phénomène. (linternaute.fr) (Voir Spatialité ; Temporalité)


Evénement
Tout ce qui se produit, tout fait qui s’insère dans la durée. (Cnrtl.fr) (Voir Temporalité)


Expérience
Fait de vécu. Fait d’acquérir, volontairement ou non, ou de développer la connaissance des êtres et des choses par leur pratique et par une confrontation plus ou moins longue de soi avec le monde. (cnrtl.fr)
Dans la langue française, le mot expérience a deux significations distinctes; expérience, au singulier, signifie d’une manière générale et abstraite, l’instruction acquise par l’usage de la vie. Ensuite, par extension, on a donné dans un sens concret le nom « d’expérience » aux faits qui nous fournissent cette instruction expérimentale des choses. (C. BERNARD, cnrtl.fr)


Mondialisation culturelle
Phénomène lié à la mondialisation qui se caractérise d’une part par la découverte de la diversité culturelle et des enjeux mondiaux et d’autre part par l’émergence d’une culture commune qui menace les diversités culturelles. À travers l’écran rendu omniprésent par sa mobilité et qui élargit constamment l’accès aux images, aux textes et aux musiques du monde, se déploie « l’hyperculture globalisante » qui n’appartient à aucune société particulière, mais qui agit, pour toutes les cultures existantes, comme une membrane à travers laquelle elles interagissent et se redéfinissent dans un nouvel écosystème symbolique. (Mondialisation et culture – Jean Tardif)


Milieu
Le milieu, dans son usage le plus commun, est à la fois ce qui est autour de l’individu (environnement) et entre les individus (medium). Le milieu n’est pas exactement extérieur à l’individu, il en est le complémentaire. L’individu est relation à un milieu. (Ars Industrialis - Glossaire de L’ENMI)


Hypercapitalisme
Marchandisation de la totalité de notre expérience : les ressources naturelles, culturelles, la communication et le temps humain. (d’après la lecture de L’âge de l’accès de Jeremy Rifkin)


Hypermateriel
Un terme qui vient remplacer le terme immatériel. Il faut se défaire de l’idée que les technologies de l’information et de la communication (T.I.C), ou les technologies cognitives et culturelles, sont immatérielles. L’immatériel n’existe pas. La matière, devenue flux, est de moins en moins solide, elle n’en est pas pour cela immatérielle, il faut au contraire de plus en plus de matériels pour la transformer. Le problème n’est pas l’immatérialité, mais l’invisibilité de la matière. Ce qui a considérablement bouleversé notre vision de la matière est par contre la maîtrise de sa vitesse. (Ars Industrialis - http://enmi-conf.org)
Complexe d’énergie et d’information où il n’est plus possible de distinguer la matière de sa forme – ce qui apparaît avec la mécanique quantique, et ce qui nécessite le dépassement de ce que Simondon appelle le schème hylémorphique, c’est-à-dire la façon de penser selon un couple de concepts, la forme (morphè) et la matière (hylè), qui consiste à les penser en les opposant. (Bernard Stiegler, Economie de l’hypermatériel et psychopouvoir)


Hyperréalité
Caractérise la façon dont la conscience interagit avec la réalité. Tout particulièrement, quand la conscience perd sa capacité à distinguer la réalité de l’imaginaire et commence à s’engager avec ce dernier sans comprendre ce qu’il fait, elle s’introduit alors dans le monde de l’hyperréel. La nature du monde hyperréel se caractérise par une amélioration de la réalité. (On peut citer tous les espaces de réalité simulée comme les Casino de Las Vegas, Disneyland, etc.) (Wikipedia)


Hypomnématon
(pluriel : hypomnémata)
Ancien mot grec, qui désigne les supports de mémoire artificielle. Chez Platon (dans le Ménon), Socrate distingue deux types de mémoires : la mémoire vive, ou anamnèse (de ána : remontée et mnémè : souvenir), qui est la mémoire de l’âme et qui implique un effort individuel, le rappel du souvenir. Pour Socrate, l’anamnèse est le support du savoir et de la pensée individuels (elle empêche de devenir amnésique) et le garant de la liberté.
Cette mémoire vive s’oppose à l’hypomnesis, qui est simple remémoration, mémoire technique, mémoire morte, qui court-circuite les circuits longs des processus anamnésiques (c’est-à-dire la redécouverte de la vérité par l’âme immortelle) et dont le savoir est déposé dans des objets, les hypomnémata, spécifiquement conçus pour permettre la production et la transmission de la mémoire, ce sont des supports extériorisés de mémoire qui permettent d’élargir notre mémoire nerveuse. Le livre en est l’un des plus anciens exemples. La notion d’hypomnémata a été commentée par Michel Foucault dans le texte “L’écriture de soi”. (Petit Glossaire « Stieglerien »)


Immaterialité
Qui n’a pas de consistance matérielle, qui n’est pas formé de matière. Qui n’est pas constitué de manière tangible, qui est opposé à la matière et n’a de rapport ni avec les sens ni avec la chair. (Cnrtl.fr) (voir Sensible ; Hypermatériel)
Les données numériques sont sensibles, et donc par définition pas immatérielles.


Industries culturelles
Au cours du XXe siècle, la culture est devenue une industrie, c’est même aujourd’hui l’industrie la plus puissante. Du côté de la consommation, les industries de la culture ont transformé la vie de l’esprit en divertissement, en jouissance, du côté de la conception, de la production et du marketing, elles l’ont transformé en calculabilité. De nos jours cependant, les technologies culturelles font émerger des pratiques où ce sont les publics, tels qu’ils ne veulent pas se laisser réduire à des audiences, qui se mettent en position d’avant-garde de la société industrielle qui s’invente. (Arsindustrialis.com) (voir Communs)


Intelligible
Monde intelligible, monde d’idées en opposition avec le monde sensible. Les réalités intelligibles, pour Platon, sont les Idées; pour les Cartésiens, ce sont les substances que l’esprit conçoit, mais qui ne tombent pas sous les sens : l’âme et Dieu. (Cnrtl.fr) (voir Sensible)


Interface
(homme-machine)
Une interface homme-machine permet d’échanger des informations entre l’utilisateur humain et la machine. Pour que cette communication soit la plus simple à faire et à réaliser, on utilise différents éléments. Les périphériques d’entrée, comme le clavier, la souris, le microphone ou le scanner permettent à l’homme de donner des renseignements ou des ordres à la machine. (Wikipedia)


Internet
Réseau mondial associant des ressources de télécommunication et des ordinateurs serveurs et clients, destiné à l’échange de messages électroniques, d’informations multimédias et de fichiers. L’accès au réseau est ouvert à tout utilisateur ayant obtenu une adresse auprès d’un organisme accrédité ». (Journal officiel)


Maître-Mot
Terme emprunté à Balibar par Pierre-Damien Huygues pour définir l’innovation : c’est un mot qui ordonne une croyance, injonction qu’on ne questionne pas et qui engage des pratiques. (France Inter)


Mémoire
La mémoire est une fonction qui permet de conserver et de faire revenir consciemment quelque chose que l’on a appris précédemment. Comme celle de l’ordinateur, la mémoire humaine possède 3 étapes : L’encodage, le stockage et la récupération L’encodage vise à se référer aux aspects du stimulus qui sont extraits pour former la base de la trace mnésique de ce stimulus. Il s’agit en fait de la première étape de la mémoire mettant en place, (encoder les événements mnésiques) dans le cerveau. Le stockage, qui fait appel à la consolidation reprend l’élément mis en place par l’encodage afin de les consolider pour tenter de les garder en mémoire sur une très longue période. La récupération se réfère au processus qui permet à une information d’être extraite de la mémoire à long terme. Cette troisième étape permet en théorie de se souvenir d’événements qui étaient en attente dans le cerveau. (Vulgaris-médical.com) (voir Numérisation ; Hypomnématon)


Milieu
Cadre, environnement dans lequel vit quelqu’un, considéré comme conditionnant son comportement. (Larousse.fr)
En physique, élément physique dans lequel un corps est placé, au sein duquel se produit un phénomène. En géographie, espace naturel ou aménagé qui entoure un groupe humain et dont les contraintes climatiques, biologiques, politiques, etc. retentissent sur le comportement et l’état de ce groupe (Cnrtl.fr) (Voir Cyberespace)


MP3
MP3 est l’extension et le nom généralement donné aux fichiers sonores encodés au format de compression MPEG Audio Layer Mondialement apprécié pour ses capacités de compression et la très faible altération du son qui demeure proche de la qualité CD, le format MP3 date de 1991. (Futura Sciences)
Format de compression de données musicales mis au point par des chercheurs européens en 1992 dans le cadre d’un programme de recherché sur la radio numérique. (Ludovic Tournès, Musique !, 2011)


Média
Le mot Média vient du latin medius , qui est au milieu. Il renvoie à la mise en relation à distance, sans possibilité d’interaction entre le récepteur et l’émetteur. C’est à dire sans communication de « face à face » entre interlocuteurs. (Dictionnaire des sciences de l’information et de la communication)


Musique
La musique est l’art consistant à combiner sons et silences au cours du temps : le rythme est le support de cette combinaison dans le temps, la hauteur, celle de la combinaison dans les fréquences. Elle est à la fois une création (une œuvre d’art), une représentation et aussi un mode de communication. (Wikipedia)
Elle nous tisse un temps de fausse vie en effleurant les touches de la vraie. Comme elle s’en prend directement à la mécanique affective dont elle joue et qu’elle manœuvre à son gré, elle est universelle par essence ; elle charme, elle fait danser sur toute la terre. (Paul VALÉRY - La conquête de l’ubiquité - 1928)


Numérique
Une information numérique est une suite de caractères et de nombres qui constituent une représentation discrète d’un objet que des dispositifs informatiques ou d’électronique numérique peuvent traiter. (Wikipedia)


Numérisation
Action de transformation en données numériques, peut designer : - La numérisation est la conversion des informations d’un support (texte, image, audio, vidéo) ou d’un signal électrique en données numériques que des dispositifs informatiques ou d’électronique numérique pourront traiter. - La description d’un document physique par un fichier numérique ; - La conversion d’un signal électrique analogique en un flux numérique ; - L’entreprise de conversion des fonds documentaires datant des époques technologique précédentes. (Wikipedia)
Dans les systèmes traditionnels - dits analogiques - les signaux (radio, télévisions, etc.) sont véhiculés sous la forme d’ondes électriques continues. Avec la numérisation , ces signaux sont codés comme des suites de nombres, eux-mêmes souvent représentés en système binaire par des groupes de 0 et de 1. Le signal se compose alors d’un ensemble discontinu de nombres : il est devenu un fichier de nature informatique. (Futura Sciences)


Objet transitionnel
Objet fétiche utilisé par un enfant à partir de l’âge de 4 mois pour représenter une présence rassurante (comme celle de la mère). (Wikipedia)


Obsolescence
L’obsolescence est le fait pour un produit d’être dépassé, et donc de perdre une partie de sa valeur en raison de la seule évolution technique (on par- le alors d’« obsolescence technique ») ou de la mode (on utilise alors plutôt le mot « démodé »), même s’il est en parfait état de fonctionnement. (Wikipedia)


Pair à pair
Traduction de l’anglais peer to peer, le “p2p” est un modèle de réseau informatique proche du modèle client-serveur mais où chaque client est aussi un serveur. Le pair à pair peut être centralisé (les connexions passant par un serveur central intermédiaire) ou décentralisé (les connexions se faisant directement). Il peut servir au partage de fichiers en pair à pair, au calcul distribué ou à la communication. (Wikipedia)
La spécificité de l’économie p2p est qu’elle repose sur des communautés de contributeurs qui cherchent avant tout à créer du commun sans se soucier, à priori, du profit qui pourra en être dégagé. Ces communautés produisent des ressources qu’elles partagent pour répondre à leurs besoins avant tout, sans pour autant renier toute forme de profit. Le profit peut en être une résultante mais pas l’objectif et quand il survient, il bénéficie aux contributeurs. (Michel Bauwens – withoutmodel.com) (Voir Communs)


Passeur
Celui qui fait franchir un obstacle à quelqu’un ou quelque chose ; celui qui transporte quelqu’un ou quelque chose quelque part. (Cnrtl.fr)
Personne qui fait connaître et propage une œuvre, une doctrine, un savoir, servant ainsi d’intermédiaire entre deux cultures, deux époques. (Larousse)


Pharmakon
En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire. La pharmacologie englobe toute discipline qui présente des effets négatifs comme positif, ainsi que les sujets de ces effets. Toute technique est originairement et irréductiblement ambivalente: l’écriture alphabétique, par exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument d’émancipation que d’aliénation. (Ars-Industrialis)


Postmodernité
La postmodernité est un concept de sociologie historique qui désigne, selon plusieurs auteurs, la dissolution, survenue dans les sociétés contemporaines occidentales à la fin du XXe siècle, de la référence à la raison comme totalité. De cette fin de la transcendance résulte un rapport au temps centré sur le présent, un mode inédit de régulation, et une fragilisation des identités collectives et individuelles. (Wikipedia) (voir Hypermodernité)


Propriété
Droit d’user, de jouir et de disposer d’une chose matérielle ou immatérielle d’une manière exclusive et absolue sous les seules restrictions établies par la loi. (Larousse) (Voir Enclosure)


Prosommateur
(prosumer en anglais)
Désigne un consommateur qui se rapproche de la figure du producteur au travers d’une forme de professionnalisation de ses connaissances. (Wikipedia)


Protéïforme
Qui peut prendre les formes les plus variées, qui se présente sous des aspects très divers. (Cnrtl.fr)


Remix
Version revisitée d’un morceau musical, réalisée en studio ou parfois en live avec des techniques d’édition audio, destinée en général aux DJ pour les clubs. Les remixes sont souvent plus rares que les versions album ou single et intéressent donc les collectionneurs ; ils sont aussi un moyen de faire vendre plus de disques. (Wikipedia)


Réseau
Ensemble formé de lignes ou d’éléments qui communiquent ou s’entrecroisent. En informatique : Ensemble d’ordinateurs ou de terminaux interconnectés par des télécommunications généralement permanentes. (Larousse)


Sampling
En musique, le sampling désigne la procédure d’utilisation de samples (échantillons sonores originellement enregistrés à l’aide d’un sampler) dans la création de nouvelles compositions artistiques, ce qui peut permettre de renouveler le matériau sonore. Cette pratique s’est répandue au cours de la fin du xxe siècle et a été le sujet de débats sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur. (Wikipedia)


Sensible
Qui peut être perçu par les sens. Chez platon : le monde sensible est changeant, insaisissable et en perpétuel devenir, voué à la finitude, il ne doit sa réalité qu’à sa participation au monde intelligible dont il est la copie, la dégradation ontologique : l’imitation ne peut avoir le même degré d’être que le modèle. (Cnrtl.fr)


Services
Toutes les activités économiques qui ne relevant pas de la production matérielle ou de la construction, qui présentent un caractère transitoire, dont la consommation coïncide avec la production et qui créent de la valeur immatérielle. (Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès)


Spatialité
L’espace, c’est avant tout un espace social, où l’on peut marquer sa présence, être connu et reconnu par les autres. L’espace est essentiellement ce qui a été “ménagé”, ce que l’on a fait entrer dans sa limite... Il s’agit d’un espace-lieu dans lequel la présence de l’individu a un sens. (Azouz Bezag, Espace-temps, présence-absence)
Opposition à espace physique objectivement mesurable. Espace vécu, fondement de toute relation significative entre un sujet et son environnement. (THINES-LEMP. 1975 - Cnrtl.fr) (Voir Espace-Temps ; Temporalité)


Streaming
Principe utilisé principalement pour l’envoi de contenu en « direct ». On peut également songer à la locution lecture seule, déjà utilisée en informatique. Très utilisée sur Internet et sur les réseaux de téléphonie mobile, elle permet la lecture d’un flux audio ou vidéo (cas de la vidéo à la demande) à mesure qu’il est diffusé. (Wikipedia)


Support d’enregistrement
(Voir Hypomnémata)


Syntonie
Égalité de fréquence de deux ou plusieurs circuits; état de systèmes ou de circuits capables d’émettre et de recevoir des ondes de même fréquence. (Cnrtl.fr)
Fusion affective spontanée, intime et harmonieuse, avec l’ambiance. (E. Bleuler - Psychologies.com)


Tangible
Qu’on connaît par le toucher ; matériel, sensible. (Larousse) (Voir Sensible)


Technique
Pour qu’il y ait technique au sens fort du terme, il faut qu’intervienne une pensée, une conscience préalable qui organise l’adaptation des moyens au but proposé. La technique est la mise en oeuvre de moyens orientés intentionnellement et méthodiquement en fonction d’expériences, de réflexions et de considérations scientifiques (http://philo.alcimia.fr)


Technologie
Le mot technologie, entré dans la langue française en 1657 signifie étude des techniques et des outils ou discours sur la technique. La confusion entre technique et technologie est courante. Dans un sens dérivé, et par extension, on nomme technologies les techniques dont l’ensemble crée un domaine industriel nouveau. (Technoscepticisme - Pauline Vitupier - Humanités numériques)


Temporalité
La temporalité est l’essence même de cet être que nous avons conscience d’être. Autrement dit, l’expérience intérieure que nous avons de nous-même est simultanée et coïncide avec notre expérience interne du temps, le temps-durée. Le temps-durée repose sur trois dimensions : le passé, le présent et le futur. La conscience au temps présent se nourrit du passé et du futur selon deux mécanismes spécifiques : d’une part, la rétention qui est le sentiment de retenir quel -que chose qui fuit et qui constitue le passé ; d’autre part,la protention qui est la conscience du futur. (Azouz Bezag, Espace-temps, présence-absence)
Si cette mémoire ne se déversait pas dans les objets, la temporalité nous serait inaccessible. Nous verrions le monde dans sa permanence, c’est-à-dire dans son éternité. Il n’y aurait pas de temps (Bernard Stiegler - Lieu, Memoire Et Technique)


Transition
Passage d’un état à un autre : Une brusque transition du chaud au froid. État, degré intermédiaire, passage progressif entre deux états, deux situations. (Larousse)


Ubiquité
L’ubiquité ou l’omniprésence est la capacité d’être présent en tout lieu ou en plusieurs lieux simultanément. Le terme est dérivé du latin « ubique » qui signifie « partout ». (dictionnaire.education)
Cette qualité a longuement été réservée aux Dieux, qui sont omni-présents. (Dictionnaire des sciences de l’information et de la communication) Les œuvres acquerront une sorte d’ubiquité. Leur présence immédiate ou leur restitution à toute époque obéiront à notre appel. Elles ne seront plus seule¬ment dans elles-mêmes, mais toutes où quelqu’un sera, et quelque appareil. Elles ne seront plus que des sortes de sources ou des origines, et leurs bien¬faits se trouveront ou se retrouveront entiers où l’on voudra. (Paul Valéry, « La conquête de l’ubiquité », 1928)

Annexe / Réferences

Histoire des Arts, Sciences et Techniques

Papier
  • MILNER Greg, Perfecting sound forever, Le Castor Astral, 2014
  • TOURNÈS Ludovic, Musique ! Du phonographe au mp3, Autrement, 2011
Écran
  • DUVELLE Charles, Aux sources des musiques du monde http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001899/189985f.pdf
  • LÉVINAS, Emmanuel, En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Vrin, 2001. http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0511051924.html
  • The Art of New Order http://www.thevinylfactory.com/
  • Wikipedia : Album Cover & toutes les pages correspondant aux technologies de la frise p.10/11

Fiche de Lecture

Web
  • Wikipedia : Jeremy Rifkin / Logiciel Libre
  • « La Troisième Révolution » de Rifkin n’aura pas lieu », Tribune Collaborative http://www.liberation.fr/terre/2014/10/21/la-troisieme-revolution-de-rifkin-n- aura-pas-lieu_1126521
  • Stage (pour la conclusion)

Synthèse

Papier
  • MARTEL Frederic, Mainstream, Ed. Flammarion, 2010
  • RIFKIN Jeremy, L’âge de l’accès, Ed. La Découverte, 2000
Web
  • ADORNO, HORKHEIMER, La dialectique de la raison, 1974 cairn.info
  • Ars Industrialis (Vocabulaire) Attention, Retention, Protention http://arsindustrialis.org/
  • BENJAMIN, Walter, L’œuvre d’Art à l’époque de sa reproductibilité technique, 1935. Persee.fr
  • ECO Umberto, La musique et la machine, 1965 frank-lovisolo.fr
  • FLIPO Fabrice, DOBRÉ Michelle, MICHOT Marion, La face cachée du numérique, 2013 franceculture.fr
  • GRANJON Fabien, Numérimorphose, 2008 cairn.info
  • MASURE Anthony, Ipad et mimesis, 2010 www.anthonymasure.com
  • STIEGLER, Bernard, Pharmacologie du Front national, suivi du vocabulaire d’ars industrialis, 2013 http://arsindustrialis.org/attention
  • VALÉRY, Paul, La conquête de l’ubiquité, 1928 classiques.uqac.ca

Stage

Papier
  • ECHEYENNE, Fabien, Fablab, La Fabrique des Possibles, 2012
Web
  • GERSHENFELD, Neil, TED talk www.ted.com
  • Wikipedia : FabLab, Creative Commons
  • RICOEUR, Paul, Philosophie de la volonté, TOME I http://effingo.be/philo
  • MOULIER, Yann, De nouveaux espaces communs de la société humaine https://blogs.mediapart.fr/edition/la-revue-du-projet/ article/071114/de-nouveaux-espaces-communs-de-la-societe-humaine-en tretien-avec-yann-moulier-bou
  • MARX, Karl, ENGELS, Friedrich, Manifeste du parti communiste http://www.ucc.ie/

Dispositif Technique

RFID / NFC
  • https://sanscontact.wordpress.com/2013/07/page/2/
  • http://www.centrenational-rfid.com/
  • http://www.netlocal.net/wp-content/uploads/2014/03/ brochure-TAGS-NFC.pdf
Raspberry Pi :
  • http://pikiosk.tumblr.com/post/38721623944 setup-raspberry-ssh-overclock-static-ip
  • http://raspmer.blogspot.de/2015/07/how-to-use-rfid-rc522-on-raspbian.html