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Coline Januel

Le graphisme textile

Peut-on concilier le graphisme et le textile ? De l’image plate, à l’image souple…

D’après Annick Lantenois dans Le vertige du funambule, le graphisme peut être défini comme « Le traitement formel des informations et des savoirs. Le designer graphique est alors un médiateur qui agit sur les conditions de réception et d’appropriation des informations et des savoirs qu’il met en forme. » Le graphisme combine textes et images. Il met en avant des formes, des couleurs, joue avec les lignes et les espacements afin de créer une image communicante, informative ou instructive. Il prône une composition harmonieuse entre un mode de représentation, la symbolique des éléments représentés, une efficacité de lisibilité et de compréhension pour le spectateur, pouvant engager un point de vue esthétique.

L'étymologie du “Graphisme” : Du latin « graphicus », du grec ancien « graphikós », issu de « graphein » qui signifie « écrire » et donc laisser un trace afin de communiquer quelque chose ou de montrer son existence dans le temps et l’Histoire afin d’en garder la mémoire.

L'étymologie du “Textile” :

  • - Du latin « texō » qui signifie assembler, composer, tramer, disposer, écrire, raconter ou encore narrer.
  • - « textus », dérivé de « texō » qui signifie textile, texture, tissu.
  • - « textilis » dérivé de « textus » : la chose tissée, tressée

La matière textile est une matière propre à être transformée en fil, puis tissée. Il est issu du filage puis du tissage de fibres ou de feutre. Il est souvent destiné à l’habillement, à l'ameublement ou la décoration.

1) Analogies, métaphores et récits tissés, récit par le fil, récit par le motif : « Tisser des liens »...

  • - Art Huichol : les indiens Huichol ont mis en place depuis les années 1950 une technique qui consiste à étendre de la cire d’abeille sur du contre-plaqué et y coller des fils de laine colorés afin de créer tableaux de fils. Ces tableaux mettent en avant des images, des motifs illustrant et narrant les mythes, les légendes Huichol.
  • La symbolique du motif : motifs pour raconter, communiquer… / motifs narratifs. Exemple : Wax, travail de Lore Macé avec les motifs et symboles Berbères.
  • - Begüm Cânâ Özgür, s’est inspirée de la symbolique des motifs tissés traditionnels turcs pour créer le projet Felt Textile dans lequel l'utilisateur peut devenir le tisserand de ses propres histoires. Elle allie ainsi une vieille tradition de la narration sur textiles à notre monde contemporain en mélangeant l'industrie et l'artisanat.
  • - Tapisseries dont la Tapisserie de Bayeux. Peuvent être considérées comme les premières images mobiles.
  • - Mythe d’Arachné
  • - Pénélope dans l’Odyssée
  • - Théorie du texte par Roland Barthes :
  1. « Qu'est-ce qu'un texte, pour l'opinion courante ? C'est la surface phénoménale de l'œuvre littéraire ; c'est le tissu des mots engagés dans l'œuvre et agencés de façon à imposer un sens stable et autant que possible unique. »
  2. « Lié constitutivement à l'écriture (le texte, c'est ce qui est écrit), peut-être parce que le dessin même des lettres, bien qu'il reste linéaire, suggère plus que la parole, l'entrelacs d'un tissu (étymologiquement, « texte » veut dire « tissu ») »
  3. « le signe : d'un côté le signifiant (matérialité des lettres et de leur enchaînement en mots, en phrases, en paragraphes, en chapitres), et de l'autre le signifié, sens à la fois originel, univoque et définitif, déterminé par la correction des signes qui le véhiculent. »
  4. « tout texte est un tissu nouveau de citations révolues »
  5. « l'image suggérée par l’étymologie même du mot « texte » : c'est un tissu ; mais alors que précédemment la critique (seule forme connue en France d'une théorie de la littérature) mettait unanimement l'accent sur le « tissu » fini (le texte étant un « voile » derrière lequel il fallait aller chercher la vérité, le message réel, bref le sens), la théorie actuelle du texte se détourne du texte-voile et cherche à percevoir le tissu dans sa texture, dans l'entrelacs des codes, des formules, des signifiants, au sein duquel le sujet se place et se défait, telle une araignée qui se dissoudrait elle-même dans sa toile. »

2) Comment le graphisme passe du papier au tissu ? Et vice-versa…


Une autre vie de l’image par sa préhension. Tissage, tramage, broderie, techniques d’impression…

Texte et textiles, du Moyen-Âge à nos jours, textes réunis par Odile Blanc :

  1. « Écrire et broder, imprimer et tisser. Dès les origines de la production des textes et des images ces couples conceptuels ont correspondu à des échanges d’objets et de pratiques entre l’univers du livre et celui de l’étoffe »
  2. « alphabets à broder pour l’apprentissage de la lecture, reliures en tissu – vêtement habituel du livre de luxe –, textes et images circulant du tissu au papier, depuis les premières impressions à la planche de bois jusqu’aux « indiennes » qui ont fait la fortune des imprimeurs d’étoffes et les inscriptions qui ont envahi la mode contemporaine. »
  3. « le texte n’est pas pensable sans le textile, de même qu’il n’y a pas de papier sans chiffon. »

Tissu/papier. Echanges d'impression, Odile Blanc, Françoise Charpigny

3) A-t’on toujours lié les disciplines ou le redécouvre-t’on aujourd’hui ?

Au XIX°s, suite à la révolution industrielle ainsi qu’au développement de l’industrie et plus particulièrement de l’industrie textile, les chimistes, les teinturiers et les soyeux collaboraient ensemble afin de créer, définir de nouvelles couleurs pour les textiles et notamment la soie.

Une filiation des techniques → le métier Jacquard dont le système de cartes perforées (sorte de mémoire analogique) permet la programmation de motifs complexes en guidant les crochets qui soulèvent les fils de chaînes. Il peut ainsi faire office d’inspiration pour nos systèmes algorithmiques actuels (dit numériques). D’autre part, dès ses débuts le pixel reprend le principe, l’idée du point de croix en discrétisant une image en pleins de petits carrés.

Entre croisement et décloisonnement… Les images : du fil aux pixels ? → nouvelles techniques de création tant graphiques que textiles, nouvelles matières… → La matière textile : de la passivité à l’interaction ? : Collaboration / Croisement des apprentissages numériques avec le textile. C’est par exemple le cas des e-textiles et plus particulièrement du studio Data Paulette ou de Ying Gao qui crée des vêtements interactifs. D’autre part, le travail tangible des matières revient de plus en plus au goût du jour afin de contrebalancer le travail numérique devenu omniprésent dans notre société. Ainsi, certains designers se servent de cette ambivalence dans leur travail. À titre d’exemple, je citerais Claire Williams qui a élaboré pour son projet Data Knits, une série d’écharpes, de tissus Jacquard tricotés dont les motifs proviennent de règles d’automates cellulaires afin de « traduire, générer et encoder des données au sein d’une surface textile ». Le studio néerlandais Raw Color a créé le projet Cryptographer qui génère des motifs en traduisant les mots des SMS en code. Une fois blanchi dans le tissu, le message devient alors tangible.

Références

Lectures

  • L'art et l'artisanat, William Morris
  • Design : introduction à l'histoire d'une discipline, Alexandra Midal
  • Les fondamentaux du design textile, Alex Russell
  • Textiles, innovations et matières actives, Guillermo Crosetto, Florence Bost
  • Théorie du texte, Roland Barthes
  • Texte et textiles, du Moyen-Âge à nos jours, textes réunis par Odile Blanc
  • Tissu/papier. Echanges d'impression, Odile Blanc, Françoise Charpigny
  • L’étoffe du diable. Une histoire des rayures et des tissus rayés, Michel Pastoureau

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wiki/projets/graphisme-textile/graphisme-textile.txt · Dernière modification: 2018/09/01 11:05 (modification externe)