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Le féminin - Mythe de la nature

«L’ornement est par nature exotique, mais encore le fait des autres, de la femme tout particulièrement et responsable de l’assassinat du matériau. Or la vraie modernité, occidentale et masculine se doit de détester tout ornement et tout maniérisme des poses […] L’homme moderne, l’homme aux nerfs modernes n’a pas besoin de l’ornement, au contraire il le déteste » [note C.B Glucksmann. P.38]

L’orient est une construction fantasmée de l’occident, un ensemble de songes d’exotismes et la femme se trouve être le lieu de tous les fantasmes érotiques de l’occident. Quand la modernité exclue l’ornement, elle chasse la culture exotique Orientale et par la même le féminin. De ce fossé entre l’orient et l’occident, produit entre autre par l’époque coloniale, nait une catégorie de refoulés des Arts à savoir le féminin, le primitif et l’exotique. Le conflit Loos/Klimt est à l’image de cette séparation orient et occident. C’est à cette époque charnière de la modernité que le conflit commence et perdurera jusqu’à la postmodernité, quand la distinction entre figuratif et abstrait sera dissoute. Si la « vraie modernité » occidentale, radicale et masculine fuse aussi vite que le progrès et se coupe du passé. Celle de Vienne, plus souterraine, à contre-courant, refuse les grands dualismes entre art-noble et art-appliqué, féminin et masculin, puisant aux sources de Byzance et de Grenade, une esthétique hybride et interculturelle.

A opposer féminin et masculin et surtout se lancer dans un dualisme à la Otto Weininger [Note. Sexe et caractère], je m’attends aux foudres. La question est délicate mais pas inintéressante : Pourquoi l’ornement serait-il ce féminin primitif de la natura naturans [note Spinoza] tandis que l’aspect mâle revêt la raison éclairée de la modernité ?

Lorsque l’on évoque le féminin comme mythe de la nature, on fait référence aux origines de l’humanité, quand nature et femme étaient liées dans la magie des forces de vie, des cycles et des rythmes, dans l’abondance des plaisirs et des dons nourriciers, toutes deux jouissant du pouvoir créateur, instrument de leur pouvoir sur le monde et les hommes. Le premier dieu est une femme, déesse solaire source de vie arborant la splendeur de sa fécondité. Liée aux forces telluriques elle devient dragon et serpent. C’est la guérisseuse qui va et vient d’un monde à l’autre. C’est la chamane qui éprouve le chant des morts. C’est la grande mère cosmique, l’ancêtre unique, celle qui engendra l’univers et souffla la vie humaine. C’est celle qui sait et qui sent au flair, à l’intuition, et qui porte en son sein la clef des mystères d’une nature indomptée.

« Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre. » [Genèse, 1.28]

Avec la sédentarisation, la naissance de l’agriculture et l’Art de la guerre, s’installe tout un processus de domestication des forces de vies. En s’installant sur un territoire, l’Homme en réalise la possession. Il n’est désormais plus l’esclave de ses propres craintes et son accomplissement commence par destituer la femme de son empire. Dans la tradition Sumérienne, la déesse Serpent Tiamat est assassinée par son propre fils. En transmettant son pouvoir solaire, la grande déesse n’est plus qu’un fade reflet d’elle-même devenue lune au royaume du crépuscule. Si Yahvé et Allah étaient accompagnés de leur égal féminin, toutes ont disparue à l’aube du monothéisme. Plus tard la religion judéo-chrétienne fera de la nature l’élément hostile dont il faut se tenir à distance et dominer. Le serpent devient l’ennemi, La prêtresse cosmique devient sorcière aux pouvoirs occultes.

« Le Saint – béni soit-il – avait créé une première femme, mais l’homme, la voyant rebelle, pleine de sang et de sécrétions, s’en était écarté. Aussi le Saint – béni soit-il – s’y est repris et lui en a créé une seconde. » [Genèse Rabba, 18.4]

Le mythe de Lilith illustre cette querelle pour le pouvoir considérable que celui de la création. Esprit du vent fécond, Lilith s’est enfuie vers des lieux sauvages et inhabités quand Gilgamesh l’a chassée de l’arbre d’Ishtar dans lequel elle dormait aux côtés du Serpent qui ne pouvait être charmé et de l’oiseau Anzu. Dans l’Ancien Testament elle est de nouveau chassée d’un autre jardin sacré. Éternelle insoumise elle incarne cette nature capricieuse et luxurieuse et l’enjeu de pouvoir sur la reproduction.

wiki/memoires/ornement/ornement/feminin.txt · Dernière modification: 2015/03/16 14:18 (modification externe)