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Conclusion - Une ouverture vers le macroprojet

Le mépris de l’ornement est une production de la modernité occidentale, radicale et puritaine, celle qui en même temps qu’elle revendique la pureté et l’autonomie, creuse un peu plus le fossé entre une Europe arrogante et un orient déconsidéré, exotique et primitif. C’est un conflit Occident/Orient, les reste de l’époque coloniale, et c’est comme ça qu’est apparu « l’Orientalisme » ou cette construction complètement fantasmée de l’Orient par l’Occident comme un ensemble de fantasmes d’érotisme et d’exotisme. C’est aussi comme ça que l’ornement fut exclu parce que compris dans cet ensemble de fantasmes et à la question pourquoi fait-il retour aujourd’hui, je dirais, comme l’a dit Christine Buci-Glucksmann, que refuser l’ornement c’est refuser d’admettre que toute culture est hybride et aujourd’hui plus que jamais il est important de redonner place à l’interculturalité, à cet entre-deux des cultures et retrouver cette unité perdue. Parce qu’à se borner à créer des frontières entre les cultures mais aussi entre les disciplines on assiste au triste isolement des choses, à une perdition du renouveau et de l’inattendu qui peut surgir de la rencontre, comme celle des images de l’Atlas mnémosyne aux facultés fécondes d’interactions qui engendrent de nouvelles pensées.

Mon travail de macro-projet vise une légitimation de l’ornement. Si l’ornement est immense et multiple, puisqu’il existe dans de nombreuses cultures et disciplines, ce projet aura pour enjeu d’organiser le dialogue entre les territoires. Ceux du design graphique et ceux par exemple de la physique, de la chimie et des sciences pour penser l’ornement d’une manière nouvelle. Au travers de dispositifs hybrides le graphiste ne cherche plus à fabriquer des formes mais à PROVOQUER leur apparition, à les capturer comme on attrape délicatement un papillon et ainsi les conserver avec toute la magie de leur manifestation. Il s’agit aussi de mettre en avant l’EXPERIENCE et la PRATIQUE. Penser le travail de recherche du graphiste comme celui du scientifique qui mène ses expériences dans son laboratoire, entouré de ses dispositifs.

Se poser la question de l'ornement c'est penser de la place de l'image aujourd'hui et la penser non plus comme une forme arrêtée, un arrêt sur image mais comme une “image-flux” aux projections vertigineuses :

“Elle est une sorte d'interface temporelle de toutes choses, machinique et éphémère. Elle peut aussi bien fonctionner comme une surface tatouée d'architecture, un mur d'images ou de réseaux, que comme un jardin de fleurs naissant et mourant, ou une ville virtuelle.” [Christine Buci-Glucksmann - Philosophie de l'ornement]

Aujourd'hui, à l'époque du virtuel, nous sommes des êtres “pluriels, interfacés et branchés”. Tel un gros œil ouvert sur le monde ou des petites monades connectées en peer to peer, nous nous donnons en tant qu'images et images multiples selon les rites d'une culture de la surface. L'existence ornementale, la mode nous relie et nous distingue et nous varions en déclinaisons comme si nous avions atteint le “stade du miroir” d'une société écran. C'est sûrement là le régime actuel de l'ornement, un ornement de masse où le multiple est l'expression d'un tout, et le tout l'expression du multiple… au final pas si loin des compositions mosaïques des palais de l'Alhambra. Plus que la manière qu'ont les formes d'apparaitre, le mode ornemental est la matrice même du monde et prend tout son sens aujourd'hui à l'ère du virtuel et des mises en abime.

A travers l'espace et le temps, si l'ornement se métamorphose, il garde ses invariants : une structure, quelques motifs, leur variation. De même il y a le monde, les hommes et leurs flux et de l'infiniment grand à l'infiniment petit, de la structure de l'atome à l’extension des galaxies on retrouve cette concordance. Et avec pas mal de recul, Adolf Loos, Gustav Klimt, l'alhambra, l'homme de java, tous deviennent de petits motifs aux cotés de milliers d'autres, des tâches de couleur qui se superposent en strates temporelles et composent un tissage immense et infini.

wiki/memoires/ornement/ornement/mp.txt · Dernière modification: 2015/03/18 19:23 (modification externe)